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Le sel de la terre

Sebastião et Lélia Salgado au Château d’eau. Toulouse, 5 décembre 1986. Jean Dieuzaide – Mairie de Toulouse, Archives municipales, 84Fi156/nc/Photographes3696_33.

Le sel de la terre


novembre 2025

« Le Sel de la terre » est le titre du film documentaire que Wim Wenders a consacré en 2014 au photographe humaniste brésilien, Sebastião Salgado (1944-2025).  

Sur cette image, ce dernier prend la pose au côté de sa femme Lélia – qui l’a accompagné tout au long de sa carrière – lors du vernissage de l’exposition qu’il présente alors à la Galerie du Château d’eau, en décembre 1986. C’est Jean Dieuzaide, directeur des lieux, qui les photographie, souriants et échangeant avec lui un regard de connivence.  

Il faut dire que le photojournaliste brésilien partage avec Jean Dieuzaide un goût pour l’humanisme et un profond respect pour la terre, les traditions, et le travail de la main de l’homme. Dans cette exposition, ce sont les peuples d’Amérique latine que Salgado met en lumière et leurs conditions de vie qu’il dénonce. « Je n’ai pas voulu que mes images soient misérabilistes, explique-t-il, mais qu’elles célèbrent la dignité de ces gens […]. J’ai l’impression que les réalités les plus insoutenables doivent être approchées de la façon la plus douce. »  

Internationalement connu et reconnu, Sebastião Salgado – disparu en mai dernier –, a essuyé plusieurs critiques lui reprochant justement, par ses compositions soignées, ses clairs-obscurs et ses noirs et blancs séduisants, de vouloir esthétiser la misère. Or comme l’écrit Régis Debray, Salgado « exalte Prométhée », sous son objectif « ces humbles sont des géants »1. Et la série qu’il réalise la même année que sa venue à Toulouse, sur les mineurs héroïques de Serra Pelada, en Amazonie, l’illustre parfaitement. Avec ses grands projets thématiques (La Main de l’homme, Exodes, Genesis, etc.) qui ont abouti à la réalisation d’une fresque mondiale des injustices sociales, le photographe a joué un rôle de témoin, et son mérite aura été de diriger son objectif, et ainsi nos regards, sur ce que l’on n’aurait pu voir.  

« Je savais déjà une chose sur Sebastião Salgado, dit Wim Wenders d’une voix touchante, au début de son documentaire. Il aimait vraiment les êtres humains. » Et celui-ci d’ajouter : « Après tout, les hommes sont le sel de la terre. »

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1- L’œil naïf. Editions du Seuil, Paris, 1994.