Arcanes, la lettre

Dans ma rue


Chaque mois, l'équipe des Archives s'exerce à traiter un sujet à partir de documents d'archive ou de ressources en ligne. Retrouvez ici les articles de la rubrique "Dans ma rue", consacrée au patrimoine urbain toulousain.

DANS MA RUE


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Fontaine de l’immeuble 16 rue Valade. Phot. Krispin, Laure, 2003 (c) Ville de Toulouse ; (c) Toulouse Métropole ; (c) Inventaire général Occitanie, IVC31555_20033100121NUCA.

La grenouille et le lion


mars 2024
On aurait imaginé que la grenouille, animal des mares et des étangs par excellence, serait fortement représentée dans l’iconographie des fontaines, il n’en est rien. L’animal le plus fréquemment rencontré sur les fontaines toulousaines est le lion : par son museau il crache l’eau qui s’écoule dans les bassins. Dès l’Antiquité, les bouches de fontaines, les gargouilles ou les vases sont ornés de mufles de lion, animal de feu qui s’unit ainsi à l’eau. Cette tradition perdure jusqu’aux pompes à bras de la 1re moitié du 20e siècle que l’on voit dans la campagne toulousaine.

Il est vrai que la grenouille a un côté sombre, lié aux ténèbres, qui pourrait expliquer cette mise à l’écart. Son cousin le crapaud n’est-il pas le compagnon de la sorcière ?

Grenouille de la fontaine Clémence Isaure. Phot. Soula, Christian, 1981 (c) Inventaire général Occitanie.
Il faut attendre le 19e siècle pour voir se multiplier les animaux aquatiques dans l’iconographie des fontaines toulousaines, comme dans les mises en scènes des places Salengro ou Olivier :
 hérons, tortues, enfants poissons et enfants libellules s’ébattent dans des jeux d’eau. Des poissons sont mêmes ajoutés aux marmousets de la fontaine Saint-Étienne qui jusqu’alors urinaient dans l’eau à la manière du Mannenken Pis, heurtant le goût de ce siècle qui ne saurait voir.

Mais la grenouille associée à une fontaine apparaît à Toulouse avec l’œuvre de Léo Laporte-Blairsy où le pittoresque règne : Clémence Isaure, la muse des poètes toulousains, surmonte la fontaine ornée de poissons, de tortues et de grenouilles, reine d’un monde aquatique.

On retrouve la grenouille, en béton cette fois-ci, décorant la fontaine d’un immeuble rue Valade, se démarquant parmi les fontaines de la fin du 20e siècle qui préfèrent plutôt la figure traditionnelle du mufle de lion.
Salle des fêtes de Jules-Julien, négatif n&b, Jean Montariol, 1933. Mairie de Toulouse, Archives municipales, 57Fi113.

Écoles et salles des fêtes


février 2024
Entre 1925 et 1935, sous l'impulsion du maire Étienne Billières, la ville de Toulouse met en place une politique volontariste d'embellissements et de constructions dont le moteur est la modernisation des infrastructures et des équipements communaux. Parallèlement à l'important programme des habitations à bon marché qu'elle subventionne, la municipalité engage la construction d'installations sociales, sanitaires, scolaires et culturelles.
Sont alors bâtis quinze groupes scolaires, six bains-douches, cinq fourneaux économiques, trente kiosques, une bourse du travail, un parc des sports et une bibliothèque municipale. L'ensemble de ces réalisations est pour la plupart signé de l'architecte de la ville, Jean Montariol.
Dans le cas de trois groupes scolaires, une salle des fêtes a également été aménagée permettant de développer les activités post-scolaires et d'offrir aux habitants des quartiers un lieu de rencontres et de réunions. Plan d'ensemble du groupe scolaire de Fontaine-Lestang, négatif n&b, Jean Montariol, 1931. Mairie de Toulouse, Archives municipales, 57Fi103.
Traités comme des éléments de prestige, ces édifices, tout en présentant des caractéristiques communes, sont différents. A Jules-Julien et Ernest-Renan, bâtis respectivement en 1933 et 1935, les bâtiments isolés sont en retrait par rapport à la rue et précédés d’une esplanade plantée. La salle des fêtes s'ouvre sur une façade monumentale très classique, à trois travées centrales, accessibles en rez-de-chaussée par un grand escalier de quelques marches et soulignées à l'étage par un balcon. Les éléments de décors sont très présents : ferronnerie des portes et du balcon, frise en mosaïque à Jules-Julien et reliefs sculptés à Ernest-Renan. 
La salle des fêtes du groupe scolaire de Fontaine-Lestang, plus tardive (1940), diffère de par son implantation et son style architectural plus sobre. Élément de liaison entre les deux groupes scolaires, elle présente une façade toujours organisée symétriquement où le rythme vertical est accentué par la large casquette en béton protégeant l'entrée.
Ces édifices, restés des lieux de rencontre, accueillent aujourd'hui un théâtre à Jules-Julien, un centre culturel à Ernest-Renan et un gymnase à Fontaine-Lestang.
72 boulevard de Strasbourg, détail de la lucarne. Phot. Cadot, Fabien, 2014 (c) Ville de Toulouse ; (c) Toulouse Métropole ; (c) Inventaire général Occitanie. IVC31555_20143100539NUCA.

Il n’y a qu’à traverser la rue pour trouver un Job


janvier 2024

En traversant le boulevard de Strasbourg, ce n’est pas un, ni deux, mais trois hôtels particuliers Job que vous trouverez, rappelant le souvenir de cette société si importante pour Toulouse du milieu du 19e siècle jusqu’aux années 2000.

Comme indiqué plus haut, dans les années 1830 Jean Bardou a l’idée de fabriquer et de commercialiser des petits carnets de feuilles prédécoupées destinées à rouler les cigarettes, remplaçant les grandes feuilles d’un papier épais et rugueux que l’on trouvait jusqu’alors. Il s’associe en 1838 à Zacharie Pauilhac : Bardou s’occupe de la fabrication des carnets à Perpignan, Pauilhac de l’expédition et de la vente depuis Toulouse dans le quartier des Chalets. 

Les descendants des deux familles poursuivent le développement de l’entreprise, la marque grandit et s’étend tout au long de la 2e moitié du 19e siècle. Déjà présente depuis 1866 dans cet îlot, la famille Pauilhac acquiert l’ancien hôtel et le gymnase du célèbre athlète Jules Léotard (72 boulevard de Strasbourg et 4 rue de la Concorde) en 1888. Entre la fin du 19e et le début du 20e siècle, de nombreuses transformations ont lieu. L’hôtel du n° 72, est réaménagé et étendu jusqu’à la rue Roquelaine pour abriter les appartements de Georges Pauilhac vers 1898. Ce dernier fait également construire la partie de l’hôtel en fond de cour, issue d’un Moyen Âge fantasmé et féerique pour accueillir ses collections d’armes peu de temps après. Un autre hôtel est édifié en 1910 au n° 76 pour Juliette Pauilhac et son époux Antoine-François Calvet. Mélangeant les styles et les époques, ces constructions sont l’œuvre de l’architecte toulousain Barthélémy Guitard. 72 boulevard de Strasbourg, détail du corps en fond de cour. Phot. Cadot, Fabien, 2014 (c) Ville de Toulouse ; (c) Toulouse Métropole ; (c) Inventaire général Occitanie. IVC31555_20143100548NUCA.Malgré d’importantes transformations dans les années 1950-1960 pour accueillir le Centre Régional de Documentation Pédagogique de Toulouse, les magnifiques intérieurs Art nouveau de l’hôtel de Georges Pauilhac ont été préservés. Ces édifices abritaient à la fois l’habitation particulière des membres de la famille Pauilhac, qui avaient tous partie prenante dans la société Job, lieux célèbres de la vie mondaine toulousaine de l’entre-deux-guerres, mais aussi des bureaux, des magasins de vente et d’expédition, puis des ateliers, au 4 rue de la Concorde, aux 19 et 17 rue Claire-Pauilhac et au 2 rue Job. Antoine et Pierre Thuriès prennent la suite de Barthélémy Guitard en tant qu’architectes attitrés de la famille Pauilhac et réalisent l’usine Job des Sept-Deniers en 1931.

Après l’installation du CRDP dans l’hôtel de Georges Pauilhac, les autres propriétés Job du quartier des Chalets sont vendues. Elles ont été depuis transformées pour accueillir des appartements, mais conservent une grande partie des nombreux décors du début du 20e siècle. À Perpignan, l’hôtel particulier de Jules Pams, frappé lui aussi des armes de JOB (il avait épousé Jeanne Bardou-Job en 1888), chef d’œuvre de l’éclectisme fin de siècle et de l’Art nouveau, vient quant à lui d’être classé au titre des Monuments Historiques.

Château d'en Haut, gravure de François-Saturnin Meilhou daté de 1815, Collection privée, IVC31555_20233101328NUCA.

Il n'est jamais trop tôt pour aller à Cornebarrieu


décembre 2023
Après Lespinasse et Saint-Orens, le diagnostic patrimonial de Cornebarrieu vient de s'achever. Charmante commune aux airs de petit village de campagne, c'est à l'époque médiévale qu'est fondé le bourg. Du sommet de sa colline, le château d'en Haut domine Cornebarrieu inscrit dans une boucle de l'Aussonnelle. Bien que d'époque moderne (15e siècle – 18e siècle), il pourrait avoir été à l'origine une ancienne place forte médiévale avec son site naturellement fortifié. Château de Pontié, vue depuis l'allée d'accès. Phot. Playe, Amaury (c) Ville de Toulouse ; (c) Toulouse Métropole ; (c) Inventaire général Occitanie, IVC31555_ 20233101400NUCA
La commune n'est pas en reste avec quatre autres châteaux répartis sur le territoire : celui d'en Bas, de Pontié et d'Alliez, tous trois construit au 17e siècle, et celui de Laran, reconstruit au 19e siècle, à la place d'un château de la Renaissance, par le baron de Bellegarde, ancien maire de Toulouse au début du 19e siècle.
Mais Cornebarrieu ne regarde pas seulement vers le passé et se tourne vers l'avenir et la technologie. La présence d'Airbus et de l'usine Jean-Luc Lagardère, véritable cathédrale industrielle faite d'acier qui a servi à l'assemblage final du plus gros avion commercial du monde, l'A380, et aujourd'hui de son best-seller, l'A320 néo, inscrivent pleinement la commune dans le 21e siècle.
Alors, levez-vous tôt pour éviter les embouteillages et allez faire un tour à Cornebarrieu à la découverte de son patrimoine !
Élévation antérieure de la maison 21 rue Périssé. Phot. Friquart, Louise-Emmanuelle ; Krispin Laure (c) Ville de Toulouse ; (c) Toulouse Métropole ; (c) Inventaire général Occitanie, IVC31555_20133101661NUCA.

En visite chez mère-grand


novembre 2023
Le petit chaperon rouge s’en allait rendre visite à sa grand-mère, lui porter une galette et un petit pot de beurre. Mère-grand, très âgée et malade, logeait désormais à la maison de retraite des Petites Sœurs des pauvres, le long de l’avenue Jean-Rieux. À peine se fut-elle éloignée de la maison de sa mère, au 21 rue Périssé, une jolie petite chaumière de style Art déco construite par Augustin Callebat en 1928, qu’elle rencontra compère loup.
Il lui demanda où elle allait. La pauvre enfant, qui ne savait pas qu'il est dangereux de s’arrêter écouter un loup, lui dit : « Je vais voir ma mère-grand, et lui porter une galette avec un petit pot de beurre que ma mère lui envoie ». « Demeure-t-elle bien loin ? lui demanda le loup » «  Oh ! oui, dit le petit chaperon rouge, c'est par-delà le parc du Caousou que vous voyez tout là-bas, en face de la villa des Rosiers ». « Hé bien, dit le loup, je veux aller la voir aussi ; j’y vais par ce chemin ici, et toi par ce chemin-là, et nous verrons qui plus tôt y sera. »
La petite fille s’en alla par le chemin le plus long, prenant le temps d’admirer l’ancien cinéma Le Pérignon et sa halle en pan de béton armé et l’école maternelle Jean-Chaubet dont les lignes et l’alternance brique/béton lui rappelèrent celles de la bibliothèque du patrimoine,  Arrivant par la cité jardin de la régie du gaz, elle fut frappée par l’agréable disposition de ses bâtiments, conçus pour les familles nombreuses des employés de la régie municipale par les architectes Fabien Castaing et Pierre Viatgé de 1949 à 1952. Après avoir jeté un coup d’œil à la villa Art nouveau du 120 avenue Jean-Rieux, le petit chaperon rouge se prépara enfin à tirer la chevillette du portail de la maison de retraite.
Vestiges du portail et du clocher des Cordeliers. Phot. Friquart Louise-Emmanuelle (c) Toulouse Métropole (c) Ville de Toulouse ; (c) Inventaire, général Région Occitanie, 2023, IVC31555_202331 50767NUCA.

Comme un intrus en son domaine : le clocher du couvent des Cordeliers


octobre 2023
C’est avec surprise qu’au détour d’une rue, on se retrouve nez à nez (ou à peu près) avec un clocher esseulé dans le jardin jouxtant les bâtiments de la banque de France. Cet élément bâti, qui au premier abord ne semble pas à sa place, est en fait le seul vestige - avec quelques pierres constituant les éléments d’un portail - du couvent des cordeliers établi sur cet îlot à partir du 13e siècle.

Comme les Jacobins et bien d’autres édifices religieux, le couvent des Cordeliers, désaffecté à la Révolution, sert de magasin à fourrage pour l’armée. Après un incendie survenu en 1871, l’église et ses bâtiments annexes sont condamnés à être démolis malgré l’avis de l’architecte Jacques Jean Esquié. En effet, ce dernier estime que le bâtiment n’a besoin que d’une nouvelle toiture pour retrouver sa fonction d’entrepôt, tout en considérant que ces travaux permettraient de conserver un édifice médiéval remarquable, classé au titre des monuments historiques depuis 1862. Grâce à l’insistance de la société archéologique du Midi de la France, la Ville décide de maintenir le clocher ainsi que le portail de l’église en pierres sculptées qui, après avoir été démonté, est conservé dans un entrepôt. Après bien des tergiversations, il est reconstruit en 1936 sur la rue du Collège-de-Foix, ses piédroits servant d’écrin au clocher situé dans la perspective. Par ailleurs, d’autres vestiges de l’ensemble conventuel (chapelle, salle capitulaire, sacristie, pans de mur de l’abside) existent encore à l’arrière des parcelles des 11, 13 et 15 rue des Lois. L’ensemble des élévations, ainsi que le jardin dans lequel s’élève le clocher, ont été de nouveau protégés au titre des monuments historiques en 1994.
 
Vue du bâtiment peu après sa construction (années 1930). Archives du groupe La Poste.

Pas de problème, la poste est là


septembre 2023

Quel bonheur à la fin de l’été de recevoir (encore) des cartes postales. L’origine de cette pratique apparaît en Allemagne, semble-t-il, peu de temps après la guerre de 18701. Elle prend ensuite toute son ampleur avec le développement du tourisme et la création des congés payés la consacre en tant que passage obligé de tout vacancier se rappelant au bon souvenir de sa famille et de ses amis, en même temps qu’elle proclame haut et fort : « j’y étais ». Cette première moitié du 20e siècle voit ainsi un essor sans précédent de l’activité postale et des communications, et les bureaux de postes se multiplient sur tout le territoire. Repères dans le paysage urbain et marqueurs de la présence de l’État dans la moindre bourgade de province, leur construction est assurée par un service d’architecture des PTT créé en 1901 au sein du ministère2. Ses architectes sont des hommes de l’art aux titres prestigieux, souvent Prix de Rome, comme l’était Léon Jaussely, auteur du bâtiment Art déco de la poste de Saint-Aubin.
L’actualité toulousaine met à l’honneur cet architecte, auteur de plusieurs œuvres dans sa ville natale et dont le rôle précurseur dans la naissance de l’urbanisme moderne est largement reconnu3. Dans le cadre des travaux de la ligne C, le monument aux combattants de la Haute-Garonne fait l’objet d’un chantier titanesque avec le déplacement des 1400 tonnes de l’arc de triomphe. Quant à la poste de Saint-Aubin, elle est en cours de rénovation.
Et comme le bonheur, c’est aussi simple qu’un coup de fil, un bâtiment dédié à l’amplification des lignes à grande distance est bâti peu de temps après la poste de Jaussely à l’opposé de la parcelle, du côté du canal. Détruit par l’armée allemande, il est reconstruit à partir de 1944 par l’architecte des PTT Andrée Moinault. Les jeux de lumière créés par le calepinage de la brique, le solin enduit ou les corniches en béton assurent le lien entre le bâtiment Art déco de Jaussely et le centre d’amplification au style moderne, conçu par cette femme architecte dont l’œuvre reste à découvrir.

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1 - Les origines de la carte postale | Musée de la Carte Postale (museedelacartepostale.fr)
2 - Charlotte Leblanc, « Les archives du ministère des Postes, Télégraphes et Téléphones (1945-1991) aux Archives nationales : une source pour la connaissance de l’architecture », In Situ [En ligne], 34 | 2018, mis en ligne le 04 mai 2018, consulté le 17 août 2023. URL : https://journals.openedition.org/insitu/15684 ; DOI : https://doi.org/10.4000/insitu.15684
3 - Rémi Papillault, « L'urbanisme comme science ou le dernier rêve de Léon Jaussely », Toulouse. 1920-1940. La ville et ses architectes. Toulouse: CAUE, Ecole d'architecture de Toulouse, Ombres Blanches, 1991, pp. 24-39.
Laurent Delacourt, Léon Jaussely, un pionnier solitaire. Paris : Éditions du patrimoine, collection "Carnets d'architectes", 2017.

Monument commémoratif de la guerre de 1914-1918 à la gloire des combattants de la Haute-Garonne. Phot. Bonenfant Julie (c) Ville de Toulouse ; (c) Inventaire,  général Région Occitanie, 2014, nc

Des critiques drôlement salées !


juillet-août 2023
En 1931, les deux reliefs ornant les piédroits intérieurs du monument commémoratif de la guerre de 1914-1918 à la gloire des combattants de la Haute-Garonne sont découverts après de longs mois de travail. Exécutés par le sculpteur Camille Raynaud, ils illustrent d’un côté "la Victoire" et de l'autre "le retour des soldats". Immédiatement, la figure de la Victoire suscite une réprobation unanime et un comité de protestation se forme pour en demander la suppression. S’ensuit une protestation générale de l’opinion publique 
Détail du haut-relief « la Victoire » de Camille Raynaud. Phot. Bonenfant Julie (c) Ville de Toulouse ; (c) Inventaire,  général Région Occitanie, 2014, ncrelayée par la presse. Un journaliste de La Dépêche du 15 janvier 1932 écrit : « A vrai dire, cette Victoire-là pourrait aussi bien former le principal sujet d’un bas-relief qui représenterait par exemple "le Retour d’Age" ou "l'Autopsie de la Noyée" ». Quelques mois plus tard, il renchérit en affirmant que « cette Victoire est un navet agressif comme on en voit peu en plusieurs siècles ». Cette représentation est effectivement exceptionnelle car, contre toute attente, l’artiste a choisi d’évoquer une Victoire, non pas sous la forme d’une allégorie d’une femme jeune et triomphante, comme elle apparaît sur de nombreux monuments commémoratifs mais sous la figure très réaliste d’une femme au corps lourd, épuisée par quatre années de guerre, ployant sous le poids des 10 millions de morts. Après bien des démarches, la requête du Comité est définitivement rejetée par le Conseil d’Etat, en 1935, au nom de la loi sur la propriété artistique interdisant de toucher à l’œuvre sans l’accord de son auteur.
Ce monument signé par l’architecte Léon Jaussely est de nos jours l’objet de toutes les attentions. En effet, dans le cadre de l’ouverture de la 3e ligne de métro, les travaux prévus pour la nouvelle station nécessitent son déplacement d’une trentaine de mètres. Ces opérations hors du commun vont se dérouler à la fin du mois d’août, mais elles ne devraient pas susciter autant de polémiques.
La rue de Metz en travaux, entre 1895 et 1908. À gauche, l'église et le musée des Augustins. Fonds photographique des Toulousains de Toulouse. Mairie de Toulouse, Archives municipales, 51Fi2675.

Vous allez être gâtés


juin 2023

Le week-end des 24 et 25 juin, à l’occasion des travaux de la rue de Metz, auront lieu deux jours de festivités au cours desquels des crieurs de rue et des joueurs d’orgues de barbarie viendront animer cette artère créée à la toute fin du 19e siècle.
La nouvelle rue de Metz. Carte postale N&B, Galeries parisiennes (éditeur). Mairie de Toulouse, Archives municipales, 9Fi3957.Ouverte à la circulation en 1898, elle est venue trancher le tissu urbain ancien, éventrant des îlots entiers et laissant la place à de beaux immeubles à loyers, enjeux d’une spéculation immobilière toute moderne. Pour cette réalisation, la municipalité s’associe avec la Société Immobilière Grenobloise Toulousaine, fondée par un ancien notaire toulousain, Bernard-Elie Deffès et des investisseurs grenoblois, qui récupèrent près de 60% des terrains à construire. Les architectes, également originaires de Grenoble, signent les plans d’immeubles à la façade souvent monumentale, dans laquelle la pierre est très présente.

Si l’eau vous est venue à la bouche, venez découvrir le projet du nouvel aménagement et vous plonger dans l’histoire de cette percée toulousaine d’inspiration haussmannienne. Durant ces deux jours, vous pourrez y déambuler tout en discutant avec les techniciens de Toulouse Métropole, à votre disposition pour répondre aux questions que vous vous posez sur le nouvel aménagement et suivre si vous le souhaitez l’une des quatre visites guidées proposées par les chargés d’inventaire de la direction du Patrimoine. Un avant/après qui sera matérialisé au sol grandeur nature par l’artiste Nicolas Jaoul.
Immeuble du 63 rue de la Pomme, détail du décor surmontant la porte d’entrée. Photo. Friquart, Louise-Emmanuelle (c) Toulouse Métropole (c) Ville de Toulouse, 2020, nc

Fruit du mystère rue de la Pomme !


mai 2023
Le long de cet axe au nom évocateur, se déploie un bel immeuble de rapport, de style néoclassique, à l’architecture très écrite. Ses grandes arcades de boutique et d’entresol dédiés aux commerces prennent appuis sur des pilastres taillés dans la pierre. Ses étages sont traités de façon dégressive aussi bien dans leur dimension que dans l’application du décor. L’étage noble est souligné par un balcon continu aux balustres en fonte et Immeuble du 63 rue de la Pomme. Photo. Friquart, Louise-Emmanuelle (c) Toulouse Métropole (c) Ville de Toulouse, 2020, ncles travées sont séparées par des pilastres cannelés ; au 2 e, ces derniers ont disparu au profit de tondi décoré de feuilles d’acanthe et seule une étroite frise de postes annonce le dernier niveau.
Cet immeuble se distingue également par son décor en terre cuite énigmatique couronnant la porte d’entrée : disposées sur les rampants du fronton, deux jeunes femmes assises sont vêtues à l’antique d’une tunique plissée et arborent chacune un élément distinctif. Ces œuvres, identifiées comme les allégories de l’Hiver et de l’Eté par l’historienne de l’Art Nelly Desseaux, sont signées du sculpteur Joseph Salamon travaillant pour la manufacture de la famille Virebent du milieu des années 1830 jusqu’à sa mort en mars 1850. A droite, l’Eté retient d’une main une corne d’abondance débordant de fruits (pomme, raisin, poire, pomme de pin, figue) alors qu’à gauche, celle qui représente l’Hiver, a sa main posée sur un cylindre percé. Cet élément n’est plus aujourd’hui identifié avec certitude. Pourrait-il s’agir d’un modèle de brasero en terre cuite auprès duquel vient se réchauffer l’Hiver ou s’agit-il d’un autre objet qui donnerait un sens différent à ces figures ? Le mystère reste entier.
 
Lespinasse, les bureaux et la gravière de l’entreprise Montamat peu après leur construction (vers 1968). Phot. Barutel, Géraud (c) Collection particulière, IVC31555_20233100366NUCA.

On change de disque


avril 2023
L’eau verte du canal du Midi, la brique rouge des Minimes, le Capitole ou Saint-Sernin, tout cela est très beau, bien sûr, mais on tourne un peu rond et on finit par connaître la chanson.
Il était grand temps de changer de refrain et d’aller voir ce qu’il se passe du côté des villes et villages de la Métropole. C’est chose faite pour Lespinasse au nord et Saint-Orens au sud-est de Toulouse qui ont fait l’objet d’un diagnostic patrimonial. Il s’agit d’une opération d’inventaire préliminaire mettant en lumière les éléments représentatifs ou exceptionnels de chaque commune, analysés au prisme de leur évolution urbaine. Saint-Orens, la villa Massot. Phot. Friquart, Louise-Emmanuelle (c) Ville de Toulouse ; (c) Toulouse Métropole ; (c) Inventaire général Occitanie, IVC31555_20233101068NUCA.
Cette enquête permet aussi de dégager des pistes pour de futures études et des axes de valorisation particuliers, à charge ensuite pour chaque ville concernée de s’en saisir.
L’accueil a été chaleureux, les communes ont joué le jeu et les habitants aussi. Vous pouvez maintenant aller vous promener parmi les notices Mérimée de Lespinasse et partir à la découverte de  l’ancienne église du prieuré de Fontevraud, de son puits, du « moulin à vent – noria » ou encore aller voir les bureaux de l’entreprise Montamat, mettant en œuvre une maçonnerie originale de béton et de galets. Saint-Orens n’est pas en reste et recèle un patrimoine varié, allant de la piscine Tournesol et des abribus en béton monobloc à des édifices plus anciens : l’église bien sûr, mais aussi les anciennes demeures aux champs, tel le domaine du Bousquet, ou encore la villa Massot qui, malgré sa taille, a tout d’une grande.
Alors, c’est toujours la même chanson ?
 
Puits de l’Hôtel du May. Phot. Friquart Louise-Emmanuelle (c) Toulouse Métropole (c) Ville de Toulouse ; (c) Inventaire,  général Région Occitanie, nc

Tant va le seau à l'eau ...


mars 2023
L’approvisionnement et la gestion de l’eau ont toujours été une préoccupation majeure des édiles toulousains. De la construction d’aqueducs aux époques antique et médiévale allant récupérer l’eau de sources extra-muros pour alimenter des fontaines, au creusement et à l'entretien de puits publics, jusqu’à la construction au 19 e siècle du château d’eau puisant l’eau de la Garonne : les solutions mises en place ont été variées selon les époques.
Puits située actuellement dans la boutique Esprit rue de la Pomme. Phot. Krispin, Laure (c) Toulouse Métropole (c) Ville de Toulouse ; (c) Inventaire,  général Région Occitanie, IVC31555_20223100858NUCA
Pour faciliter la corvée journalière du puisage, de nombreux citadins ont fait aménager, dans la cour de leur immeuble ou dans leur jardin, des puits qu’ils utilisaient de manière privative ou en accès partagé grâce à l’érection de ces ouvrages en mitoyenneté parcellaire.
Toulouse conserve dans ses murs de nombreux puits, certains encore en eau, d'autres à l'état de vestiges. Dans le cadre de l'inventaire du Site patrimonial remarquable, 78 puits ont pu être observés. Certains ont conservé l’intégralité de leurs éléments : le conduit, le mur de margelle et le système de puisage. Une première analyse de ce corpus hétéroclite a permis d’enrichir la connaissance des modes de construction et des techniques de puisage, et d'étudier leur répartition à l'échelle de la parcelle et de la ville. Ce travail est disponible en ligne, dans le dernier numéro de la revue Patrimoine du Sud consacré à l'eau et à ses patrimoines en Occitanie.
 
Emplacement de la borde rouge sur le plan d’assemblage du capitoulat de Saint-Sernin, banlieue. Mairie de Toulouse, Archives municipales, CC2928, détail.

Des bordes rouges au Château Vert


février 2023

Donner un nom à sa maison est aujourd’hui passé de mode. Plus de « Do Mi Si La Do Ré » pour propriétaire mélomane, ni de « Mon rêve » marquant l’aboutissement d’une vie de dur labeur. Mêmes les plus simples « villa du pin » ou « villa Ginette » ne sont plus que des souvenirs qui s’effacent sur des plaques émaillées.
Il fut un temps pourtant où il était bien pratique que les maisons portent des noms, notamment dans le gardiage (banlieue rurale de la ville) où les repères pérennes manquaient, notamment quand on commença à cartographier la ville pour y prélever les impôts. Les plans d’assemblage de ces zones dans le cadastre de 1680 représentent ainsi pour chaque capitoulat, outre les chemins délimitant les moulons, les éléments marquants dans le paysage, tels que les ponts, les fontaines, les croix ou les édifices importants : châteaux et métairies. Le brouillon de celui de la banlieue du capitoulat de Saint-Sernin (CC2927) porte la mention « borde rouge » au bout d’un chemin, sous les dessins des châteaux de Paleficat et de Grandselve. La couleur de la brique laissée apparente a pu donner son nom à cette ferme, partagé plus tard par une autre à peu de distance. Cette appellation est également utilisée par le chemin qui la longe puis par le quartier, resté rural jusqu’à il y a peu, et enfin par la ZAC qui l’a urbanisé. Dans la même veine, une ferme - recouverte d’un enduit blanc ? - a donné son nom au chemin, puis au nouveau quartier en cours de construction aux Pradettes : Bordeblanche. Un pigeonnier subsiste à cet endroit, aujourd’hui au cœur d’un lotissement, sans que l’on sache vraiment si le domaine d’origine se trouvait à cet emplacement.
Alors qu’en est-il du Château Vert me direz-vous ? La couleur des murs aurait-elle donné son nom à cet édifice, disparu aujourd’hui mais que l’on situe à proximité de la place Wilson actuelle1 ? Bordel municipal, géré par les capitouls pendant une partie du 16e siècle2, l’adjectif qui lui est assigné pourrait aussi s’apparenter au thème de la vigueur, notamment sexuelle, que l’on retrouve dans l’étymologie du mot « vert », du latin viridis, dont est issue toute une série de mots qui évoquent la croissance, la vigueur ou la vie, tel le Vert-Galant3. À [ver]ifier.

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1 - Agathe Roby, « De la Grande abbaye au Château Vert. L’installation d’un bordel municipal à Toulouse au XVIe siècle ». Dans Histoire urbaine 2017/2 (n° 49), p. 17-35.
2 - François Bordes, « Toulouse 1519-1529 ou le temps des réformes et des grands travaux », Mémoires de l’Académie des sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse, vol. 170, 18e siècle – tome IX 2008, p. 133-145.
3 - Michel Pastoureau, Vert, histoire d’une couleur, éd. du Seuil, 2017, p. 27-28 et p. 158 pour l’explication du surnom donné à Henri IV, le « vert galant ».

Elévation sur l’allée de Brienne. Phot. Friquart Louise-Emmanuelle (c) Toulouse Métropole (c) Ville de Toulouse ; (c) Inventaire,  général Région Occitanie, IVC31555_20233100001NUCA

Bout de chou !


janvier 2023

Depuis toujours, la coutume voulait que les nourrissons et les enfants en bas âge soient confiés à des nourrices. Toutefois, devant la mortalité infantile due au manque d’hygiène notamment dans les classes indigentes, une nouvelle institution est mise en place, au milieu du 19e siècle, à l’initiative de Firmin Marbeau, jurisconsulte et philanthrope : un lieu où les enfants seraient à l’abri et recevraient des soins appropriés pour leur santé entre leur naissance et l’âge de 2 ans. En effet, à partir de cet âge-là, des asiles pouvaient les accueillir jusqu’à 6 ans, moment où ils étaient alors scolarisés. La première crèche de France, financée par des donations privées, ouvre à Chaillot en novembre 1844. A Toulouse, les premières crèches semblent se développer dans le dernier quart du 19e siècle. Celle de la manufacture des Tabacs date pour sa part de 

Elévation sur l’allée de Brienne, détail de la frise en céramique. Phot. Friquart Louise-Emmanuelle (c) Toulouse Métropole (c) Ville de Toulouse ; (c) Inventaire, général Région Occitanie, IVC31555_20233100002NUCA

1912 mais semble être l’aboutissement d’un mouvement enclenché après les inondations de 1875, moment où le directeur de la manufacture avait ouvert au sein de l’usine un local pour accueillir les enfants en bas âge des ouvrières.

Installée sur une parcelle traversante, entre l’allée de Brienne et la rue des Amidonniers, à moins de 100 mètres de la manufacture, la crèche présente une façade principale ouvrant sur le canal de Brienne. Son élévation symétrique se compose d'un corps de bâtiment central à 3 travées et 1 étage encadré de chaque côté par un corps à 1 travée en rez-de-chaussée surélevé d'un niveau dans le 1er quart du 21 e siècle. Elle se distingue par la qualité de sa mise en œuvre basée sur un jeu de polychromie (brique rouge, brique claire et pierre) et sur les frises de style Art nouveau au motif de liseron scandant la façade.


 
53Fi1712 : Didier Daurat dépose une gerbe au monument des Pionniers de l'Aviation au jardin Royal (1961). Phot. André Cros. Mairie de Toulouse, Archives municipales, 53Fi1712.

Ainsi font font font


décembre 2022
Aux vacances de Toussaint, Guignol et ses amis s’installent au jardin des Plantes. Petits et grands peuvent alors se régaler des aventures tragicomiques de ce théâtre de marionnettes. Le chapiteau prend place à proximité de la stèle du capitaine Bernet, hommage au grand chrysanthémiste toulousain. Aussi, si les marmots ne sont pas encore rassasiés après le spectacle, suivi d’une dizaine de passages à l’aire de jeux, de deux tours de balançoires et de 3 glaces chacun, vous pouvez leur concocter un jeu de piste et les lancer à la recherche des grands personnages de l’histoire locale ou nationale : Pierre-Paul Riquet, Jean Cassou ou encore Jean Moulin, qui ont tous leur buste dans l’enceinte du jardin. S’ils n’en n’ont pas encore assez, Apollon, Diane, Chloris, la Femme au paon ou Mercure pourront les distraire. Ces œuvres qui parsèment le parc sont issues de la grande vague de statuomanie de la fin du 19 e siècle, période où la municipalité cherche à magnifier ses artistes, les « Toulousains », groupe formé autour du sculpteur Falguière qui triomphe dans les salons parisiens.  Accéder à UrbanHistPuis viennent les monuments érigés aux gloires locales et « l’inflation mémorielle » du 20 e siècle, où l’on voit se multiplier les commémorations. Le mouvement se poursuit et aujourd’hui, à chaque pas le promeneur se heurte à une sculpture, un buste, une stèle, une installation. Au risque d’une indigestion ? A vous de juger : les œuvres urbaines installées sur l’espace public depuis 1945 ont fait l’objet d’un recensement en 2022 et leurs notices sont accessibles sur UrbanHist, voici une sélection des plus récentes
Ensemble depuis le pont enjambant le canal du Midi. Phot. Friquart Louise-Emmanuelle (c) Toulouse Métropole (c) Ville de Toulouse ; (c) Inventaire,  général Région Occitanie, 2022, 20223101301NUCA.

Chambres avec vue


novembre 2022

Contrairement à ce que pourrait laisser supposer le titre, nous ne sommes pas à Florence dans une chambre avec vue sur l’Arno, mais à Toulouse à l’hôtel, anciennement appelé Victoria, dont les chambres ouvraient sur les frondaisons des platanes longeant le canal du Midi. Cet édifice a été bâti à l’angle de la rue Bayard et du boulevard Bonrepos face à la gare. En effet, l’arrivée du chemin de fer a entraîné le réaménagement du quartier selon le plan dressé par l’ingénieur de la ville Guibal ainsi que la création du pont Bayard sur le canal du Midi permettant une liaison directe vers le centre-ville.

 
Elévation sur le boulevard Bonrepos, détail du bow-window. Phot. Friquart Louise-Emmanuelle (c) Toulouse Métropole (c) Ville de Toulouse ; (c) Inventaire,  général Région Occitanie, 2022, 20223101304NUCA.

De même, c’est cet aménagement qui est à l’origine de la construction de nombreux hôtels de voyageurs à proximité, dont celui édifié en 1913 sur les plans de l’architecte toulousain Jules Calbairac. 

Cet édifice possède deux façades bicolores où la pierre très présente vient animer la brique rouge. L’angle arrondi, à trois travées, est mis en valeur par des colonnes et pilastres en rez-de-chaussée, un entresol en pierre et des éléments de décor (balcon sur consoles sculptées, agrafes en pierre, ferronnerie, table encadrée par des ailerons). Les élévations, de part et d’autre se distinguent par la présence d’un bow-window en pierre reliant les 1er et 2e étages.
Le style architectural de cet édifice est un style de transition où l’éclectisme est toujours présent avec ses colonnes, chapiteaux, consoles à guirlandes, ses garde-corps aux influences variées (néo-18e et art nouveau). Toutefois, il laisse poindre une certaine modernité dans les formes plus rectilignes des encadrements des baies ou la simplification de certains éléments du décor, ainsi que dans le jeu de la pierre et de la brique.
Livre I des Annales (1295-1532). Chronique 194, 1516-1517, extrait. Le poids commun. Mairie de Toulouse, Archives municipales, BB 273 feuillet 17 partie gauche.

Emballé, c'est pesé


octobre 2022

Sur l'enluminure de la chronique de 1516-1517 des Annales des capitouls, on voit dans le registre supérieur droit une haute porte crénelée, portant les armoiries de la Ville qui encadrent celles des rois de France. Au-dessous, les huit écus des capitouls de l'année. À l'intérieur, se trouve une grande balance avec des poids. Il s'agit là d’une représentation symbolique du « poids commun » ou poids public, taxe instituée en 1499 sur les marchandises vendues dans la ville, dont le produit était récupéré par les capitouls pour l'entretien des remparts, des ponts et le pavage des rues. Les pesées servant à définir le montant des droits à percevoir par la ville se faisaient dans des lieux différents, avant d'être fixées à la « maison commune », l'ancêtre du Capitole actuel, vers 1532-1533. Les poids permettaient aux capitouls d'établir des étalons uniques pour chaque marchandise. Objets précieux, garantissant la juste mesure, les poids étaient conservés à la fin du Moyen Âge, avec les matrices des sceaux municipaux, dans un coffre fermé par huit clefs, une pour chaque capitouls1.
Le poids commun est ici associé à l'image du pont de Tounis, alors en cours de construction (image du bas) et du pont de Montaudran sur l'Hers (en haut à gauche). 

Il s'agit peut-être là d'une volonté de souligner le fait que les taxes issues du poids public permettaient d'entretenir de tels ouvrages. Les armoiries royales rappellent quant à elles que cette libéralité avait été octroyée par le roi.
La rue du Poids-de-l’Huile conserve le souvenir du local spécifique où étaient entreposés et pesés les huiles, les jambons et les autres chairs salées entrant dans la ville avant d’être vendues par les marchands.

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1- François Bordes (dir.), Toulouse, parcelles de mémoire. Catalogue de l'exposition présentée aux Archives municipales de Toulouse du 5 décembre 2005 au 6 mars 2006. Toulouse : Mairie de Toulouse / Archives municipales, 2005, p. 104.