ARCANES, la lettre
Les coulisses
Chaque mois, les Archives présentent dans la rubrique "les coulisses" ce que vous ignorez surement du fonctionnement des Archives. Retrouvez ici une petite compilation de tous ces articles.
D'importants travaux de rénovation de l'étanchéité de la toiture végétalisée des Archives ont commencé en début d'année, donnant lieu à un ballet de benne, pelleteuse, terre et chalumeau. D'ici l'été, la toiture sera comme neuve et le réservoir de mémoire préservé de tout risque d’infiltrations. Mais quel est le protocole en cas de sinistre ? Les archives, comme pour le risque incendie, ont mis en place un plan de traitement des documents qui seraient mouillés du fait d’infiltrations d’eau voire d’inondations.
Équipés de leur pull marine, les archivistes procéderaient ainsi :
• évacuation des documents pour mise en séchage,
• identification par une étiquette indiquant leur cote,
• étalement des dossiers sur de grandes tables
• et pose de papier absorbant entre leurs pages.
Une semaine plus tard, lorsque le risque de moisissure est écarté, les documents secs sont reconditionnés et réintégrés dans les magasins d'archives. Si nécessaire il faudrait recourir à la congélation, solution inévitable lorsque des documents sont détrempés. Dans ce cas-là, les archivistes lutteraient contre le temps car ils n'auraient que 48h pour faire congeler les archives, qui seront ensuite séchées par lyophilisation.
Ce mois-ci, nous fêtons notre 150e numéro d'Arcanes. L'occasion pour nous de vous parler de VOS archives ! En effet, que ce soit dans le cadre professionnel ou personnel, nous produisons tous des archives, mais si vous souhaitez un jour nous les confier, il est important de veiller à leur bonne conservation.
Il arrive ainsi que certains documents soient entreposés dans des garages, des caves ou des greniers, où menacent infiltrations d'eau, rongeurs et moisissures. Dans ces conditions, leur pérennité n’est pas assurée. L’état de conservation de vos archives est un critère important de décision pour leur prise en charge par nos services. En cas de dégradation, une restauration peut parfois être envisagée mais demande alors beaucoup de temps et d'investissements.
Si toutes ces questions vous préoccupent, notre archiviste des fonds privés est là pour vous conseiller. Comment stocker au mieux ses archives ? Quel matériel de conditionnement utiliser ? Et même, quels documents conserver ? Vous pouvez retrouver son adresse mail directement sur le site des Archives municipales ou bien appeler directement l'accueil qui vous dirigera vers elle.
Alors, pour que la fête soit plus belle, faites attention à vos archives !
Les archivistes sont tellement passionnés par leur métier qu'ils n'hésitent pas à proposer des activités hors-norme, le soir ou bien le week-end.
Il y a bien sûr les populaires Journées Européennes du Patrimoine qui, tous les ans, en septembre, permettent au public de visiter les mystérieux sous-sols des Archives et de participer à divers ateliers.
Les Samedis des Archives vivent leur 2e saison. Ces rencontres organisées chaque premier samedi du mois sont ouvertes à tous et invitent les participants à découvrir, à toucher et aussi à travailler de manière souvent ludique avec des documents d'archives.
La programmation est variée, et chacun peut y trouver son bonheur. Elle permet aux uns de se frotter à des affaires criminelles d'Ancien Régime, aux autres de se plonger dans la correspondance échangée durant la seconde moitié du 18e siècle entre la présidente Dubourg et la marquise de Livry. On est même invité à faire un bond dans le temps en choisissant de participer aux ateliers de "dépoussiérage numérique" (on n'en dit pas plus pour vous tenir en haleine). Last but not least, l'image est aussi à l'honneur, en particulier sous le prisme du fonds photographique de Marius Bergé, qui donne lieu à des ateliers sous forme d'un véritable rallye-enquête dans Toulouse entre les deux guerres.
Les Archives passent au noir est le fruit d’un partenariat entre les Archives municipales et le festival Toulouse Polars du Sud. Cette union heureuse a permis d’organiser quatre rencontres durant la première semaine d'octobre. Un public friand de littérature policière s'y est pressé et s'est trouvé confronté aux pièces d'un procès pour cas de meurtre. Durant trois soirées et une matinée, les participants ont été projetés en août 1744 sur le pont Neuf, où gisait le corps inanimé du jeune Ducos, percé d'un coup de baïonnette au flanc gauche. Après une lecture – souvent ardue – des archives du procès (descente sur les lieux, autopsie et certains témoignages), tous ont su pointer du doigt le meurtrier, sans pourtant que son nom apparaisse jamais dans les documents conservés, et que seule la victime, dans un dernier souffle de vie, nommait énigmatiquement : "Qui va là".
Rendez-vous est déjà pris pour la prochaine édition du festival en octobre 2024.
Les Masterclass viennent compléter ces activités. Après le succès des trois galops d'essai du printemps dernier, ces séances deviennent depuis la rentrée universitaire un rendez-vous régulier (chaque troisième samedi du mois). Elles sont exclusivement réservées aux universitaires, qu'ils soient chercheurs confirmés ou jeunes étudiants.
Historiens de l'art ou du droit, historiens tout court, étudiants en architecture, en musicologie, et autres encore s'y retrouvent pour étudier les sources qui nourrissent et enrichissent leurs sujets de recherche. On vient en solo, en duo, en trio… On y travaille certes, mais aussi on échange, on questionne, on partage ses doutes comme ses trouvailles.
Alors, la prochaine fois que vous pousserez la porte des Archives municipales pendant les horaires officiels d'ouverture, ouvrez bien les yeux : une ou plusieurs affiches vous inviteront à y revenir différemment en soirée ou bien le temps d'un samedi.
Plus simple encore : consultez régulièrement en ligne notre espace presse.
L’article publié en 1965 dans la Gazette des archives - « L’archiviste et le tourisme » - ne pouvait échapper à Arcanes de septembre !
Jacques Levron, conservateur en chef directeur des services d’archives de Seine-et-Oise, y conte qu’en 1951 une circulaire de la direction des Archives de France invite les préfets à nommer un archiviste dans les commissions consultatives de tourisme nouvellement créées. L’argument est simple : « Ce fonctionnaire connaît parfaitement l'histoire du département où il réside, ses richesses archéologiques, folkloriques et plus généralement toutes ses ressources culturelles. Il peut donc fournir d'utiles indications pour la mise en valeur de telle ou telle partie du département, pour l'organisation des visites guidées des villes ou des sites les plus importants, pour la mise sur pied d'un programme de conférences sur l'histoire monumentale ou littéraire de la région... »
Jacques Levron évoque ensuite le rôle de conseiller que peut jouer l’archiviste dans toutes les structures liées au tourisme, à commencer par les syndicats d’initiatives créés à la fin du XIXe siècle. Il saisit l’occasion pour mettre en garde ses collègues : il ne devrait pas accepter de poste de direction de tels organismes, autant pour des raisons d’incompatibilité entre cette fonction et le statut de fonctionnaire, que parce qu’ « elle exige des loisirs et chacun sait qu'en province, depuis quelques années, les directeurs des services d'archives n'en disposent guère ».
C’est sur un ton tout aussi sérieux qu’il rappelle à la fin de son article la « vocation fondamentale d’administrateur et d’érudit des directeurs de service d’archives » : « l'archiviste a d'abord pour mission, selon les termes mêmes du Règlement de 1921, de recueillir et de classer les documents, de rédiger les inventaires et les répertoires, de faire connaître les richesses dont il a la garde ». S’il est « parfaitement qualifié pour apporter aux organismes touristiques un concours apprécié (…) il doit le faire en restant dans la perspective de son rôle traditionnel. Il doit surtout n'y consacrer qu'une part raisonnable de son temps. C'est en chartiste que l'archiviste doit s'intéresser au tourisme. Et, en fin de compte, il n'en servira que mieux les intérêts de celui-ci. »
L’archiviste n’a pas le temps d’être un touriste de l’histoire !
Les Archives municipales de Toulouse étant fermées au mois de juillet pour des travaux de mise en accessibilité du bâtiment, il nous paraissait important de vous parler d’un lieu emblématique de notre métier : la salle de lecture. C’est l’espace qui vous accueille et dans lequel vous pouvez consulter les archives.
Habituellement, la salle de lecture est ouverte de 9 heures à 13 heures du lundi au vendredi. Vous pouvez y venir gratuitement, simplement en présentant un document d’identité à l’agent d’accueil.
Aux Archives municipales de Toulouse, nous, les agents, nous partageons la gestion de la salle en fonction de nos emplois du temps. A deux par matinée, nous sommes chargés de vous communiquer les documents que vous souhaitez consulter. La plupart du temps, nous vous aidons à rechercher LE document dont vous avez besoin, que ce soit pour vos recherches personnelles, administratives ou universitaires.
Une fois ce document identifié, nous entrons sa cote (son identification) dans notre logiciel afin de pouvoir aller le chercher dans nos magasins. Ensuite, nous vous le remontons et vous pouvez le consulter. Mais pour cela, de nombreuses règles sont à respecter afin que nos documents puissent être bien conservés sur le long terme. Sont ainsi prohibés dans cette enceinte stylos, boissons et nourriture. Mais ne vous inquiétez pas, la salle n’est pas sale… elle est même nettoyée tous les jours pour éviter toute poussière ou autre.
Alors, venez nous voir dès le mois d’août !
Dans un murmure, chaque début juin, se déroule la semaine internationale des Archives.
Le 9 juin 1948, le Conseil international des Archives (CIA) est créé sous l’égide de l’UNESCO. Il « rassemble les institutions d'archives et les professionnels à travers le monde pour défendre la gestion efficace des archives et la protection matérielle du patrimoine écrit, pour produire des normes reconnues et de bonnes pratiques et pour encourager le dialogue, les échanges et la transmission de ces connaissances au-delà des frontières nationales » *.
Depuis 2007, le 9 juin est la date choisie pour célébrer les archives. Désormais, pendant toute une semaine, les archivistes de tous les continents unissent leur voix pour expliquer au public que les archives et archivistes « jouent un rôle important dans les domaines de la responsabilité, de la transparence, de la démocratie, du patrimoine, de la mémoire et de la société » *. Les archives représentent une richesse sans équivalent. Témoins des événements passés, elles restent fragiles et vulnérables. A la veille de cette semaine de fête, dans le climat de tension que connaît actuellement le Sénégal, les archives de l’université de Dakar ont été incendiées. Ailleurs, des archivistes ont été enlevés et séquestrés, paralysant le fonctionnement des Archives nationales et de l’état civil.
Cette année, juin est l’occasion de célébrer les 75 ans du Conseil international des Archives. #Archives unies #RenforcerLesArchives.
Parce qu’elles ont le pouvoir de transformer le temps en mémoire et le passé en histoire, les archives sont au cœur d’interrogations philosophiques, comme celles de Serge Margel et ses archives fantômes1, ou psychanalytiques avec Derrida et son mal d’Archives2. Quel rapport les archives entretiennent-elle à réalité, à l’inconscient ?
« L’archive, si ce mot ou cette figure se stabilisent en quelque signification, ce ne sera jamais la mémoire ni l’anamnèse en leur expérience spontanée, vivante et intérieure. Bien au contraire : l’archive a lieu au lieu de défaillance originaire et structurelle de ladite mémoire3 ».
L’archive est une trace, une preuve. « Son contenu est l’expression d’un fait, d’un projet, d’une requête, d’une décision et est indissociable de ce fait, de ce projet, de cette requête, de cette décision. C’est pourquoi la première lecture que l’on fait de l’archive doit intégrer les motifs de son élaboration, c’est-à-dire la poursuite d’une action donnée et le contexte dans lequel elle prend place. (…) L’archive a vocation à servir de preuve à l’action qu’elle supporte. (…) C’est ainsi que les archives constituent la source de l’Histoire par excellence4. »
Alors, les archives ne racontent pas de salade ? A priori non… Ou si l’intention de l’auteur est d’en raconter. Les archives pourront toujours être utilisées comme source pour construire un discours ou servir d’illustration à un propos, indépendamment de l’action dont le document témoigne. Des chercheurs peu scrupuleux pourront toujours détourner un discours.
Et lorsque Arcanes vous parlera de légume, il sera temps de vérifier que la constitution des fonds d’archives n’est pas le fruit du hasard.
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1 - Serge Margel, Les Archives fantômes, Paris, Nouvelles éditions Lignes, 2013 (LES ARCHIVES FANTÔMES - Serge Margel - Éditions Lignes (editions-lignes.com))
2 - Jacques Derrida, Mal d’archives : une impression freudienne, Paris, Galilée, 1995.
3 - Id, op. cit.
4 - Maire-Anne Chabin, Je pense, donc j’archive, Paris, L’harmattan, 1999 (Je pense.... Chapitre 2 - Tout est archive - Le blog de Marie-Anne Chabin (marieannechabin.fr).
Au mois de novembre dernier, l’un de nos locaux a subi un dégât des eaux. Grâce aux mesures de conservation préventive mises en place, notamment une bonne aération du local et le positionnement des boîtes d’archives à plus de 10 cm. du sol, les dommages ont été de faible importance et les documents, après quelques semaines de séchage et de mise en quarantaine, sont à présent hors de danger. Malgré ces mesures de prévention, conserver des documents sur le long terme n’est pas une mince affaire et le risque d’inondation existe, quelle qu’en soit la cause. Pour cette raison, un archiviste doit connaître les mesures d’urgence à adopter face à un local d’archives inondé. Parmi ces dernières, la congélation est une méthode conseillée dès qu’elle est financièrement et techniquement possible.
Lorsque les documents papier sont détrempés, ils peuvent subir un gonflement, des déformations, leur encre peut couler ou pâlir jusqu’à devenir illisible. L’humidité ambiante devient en outre un terrain propice aux moisissures. La congélation est alors le meilleur moyen de stopper cette dégradation, le temps de réfléchir aux solutions de restauration les plus appropriées. Les documents sont placés dans des sacs en plastique – polyéthylène ou polypropylène – par petits paquets placés à une température inférieure à – 20°C, si possible dans un congélateur industriel. L’idée est de faire en sorte que toutes les épaisseurs soient congelées le plus rapidement possible. Dans un second temps, ils sont lyophilisés, c’est-à-dire déshydratés pour retrouver leur état d’origine.
Malheureusement, ce procédé ne répare pas les dommages que le document a déjà subi avant la congélation, comme la dilution des encres, raison pour laquelle il faut agir au plus vite. De plus, la lyophilisation n’est pas sans danger, notamment pour les reliures en cuir, qu’elle peut raidir de manière irréversible. De même, il n’est pas recommandé de congeler les parchemins et les sceaux, pour lesquels le séchage à l’air libre reste la meilleure solution.
Le numérique n’est pas écolo. Si c’est déjà une évidence pour vous, c’est un très bon début. Tout est fait pour nous renvoyer une image légère et inoffensive du numérique : on parle de données « immatérielles », stockées dans un « nuage » – cloud – et de la fin de la consommation du papier. Pourtant, l’impact environnemental du numérique est incontestable : 4% à lui seul des émissions de gaz à effet de serre, 5 fois plus gourmand en ressources naturelles que le parc automobile français, en constante augmentation1. Cela étant dit, la dématérialisation, si elle est raisonnée, a toute sa place dans une démarche de développement durable.
À l’heure où le télétravail augmente le besoin d’accéder à des informations à distance et le volume de données produites, le records management (ou gestion des documents engageants) et l’archivage numérique sont essentiels pour mettre en place une gestion des données efficace. Ainsi, l’accès aux données est facilité et leur volume limité (on ne conserve que ce qui est utile, le temps pendant lequel c’est nécessaire).
Les Archives municipales accompagnent les producteurs de données dans la mise en place d’une véritable politique de maîtrise de l’information numérique et participent ainsi à la réduction l’empreinte carbone.
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1 - C. Jost et B. Texier, « L’écologie numérique : infographie, chiffres-clés et conseils pour une dématérialisation plus verte », Archimag, 27 janvier 2023, en ligne (consulté le 06/02/2023).
Parfois les siphons s’obstruent et débordent. C’est ainsi qu'à la suite d'une panne de pompe de relevage d’un local situé sous le niveau de la Garonne, les archives de la Métropole se sont retrouvées à l’eau.
Intervention d’urgence : relevé d’hygrométrie, surveillance du niveau de l’eau qui va et vient. Trop longtemps exposées à l’humidité, les documents ont dû être évacués vers le site historique des Archives municipales, l'ancien réservoir d’eau de Périole. Le risque de moisissure était trop important. Plus d’une semaine a été nécessaire pour que l’ensemble des 800 mètres linéaires arrive à bon port !
Les archivistes ont ensuite changé de casquette pour se pencher sur la rénovation des rayonnages roulants. Ceux-ci sont en effet surélevés sur les planches de contreplaqué sous lesquelles l’eau s’est engouffrée. Désastre ! La moisissure n’a pas gagné les archives, mais le sol du rayonnage.
Et pendant ce temps-là, les archivistes fuient vers d’autres horizons, plus au sec !
…Commence le cérémonial des présentations jusqu’à ce qu’il me demande la nature de mon métier, question à laquelle je réponds un timide « archiviste », rentrant un peu la tête dans les épaules par réflexe, attendant une réaction peu obligeante malheureusement trop habituelle, à cause d’une ignorance indéfectible et presque volontaire de ce métier.
« Woah ! », qu’il fait.
Étonnée, je répète un peu plus fort : « archi-viste… ».
Il poursuit : « Archiviste ! Le gardien de la mémoire ! ».
Je rougis, mais parviens à rester digne. « Euh oui voilà ».
Enfin un autre point de vue sur le métier d’archiviste, qui fait beaucoup de bien à entendre.
En creusant un peu, je me rends compte effectivement que l’archiviste est plutôt bien représenté dans le milieu des geeks. Alors qu’on trouve rarement le terme « archiviste » dans les listes des métiers les plus communs sur internet, il constitue une classe à part entière dans les jeux célèbres d’heroic fantasy, à commencer par Donjons et Dragons qui place les Archivistes dans la catégorie des Magiciens. Et en effet, ils peuvent jeter des sorts puissants qu’ils ont collectés dans des parchemins magiques et leur discipline mentale les rend également eux-mêmes résistant à la plupart des sorts. Grâce à leur savoir encyclopédique, ils connaissent les faiblesses de leurs adversaires qu’ils n’ont aucune crainte à combattre.
Ma découverte préférée reste la BD d’Ugo Bienvenu, Préférence Système, dont l’histoire se passe dans un futur très proche, au moment où la seule solution pour faire face au débordement des archives est de détruire ; de manière drastique et systématique. Les deux héros sont un archiviste (sans pouvoir magique cette fois) qui sauve en cachette des documents qu’il considère essentiels pour l’humanité, et un robot qui mémorise les documents sauvés et les enseigne plus tard à une petite fille (l’enfant de l’archiviste) qu’il a portée lui-même dans son ventre. Nous avons donc affaire ici à un archiviste héros d’une BD de science-fiction, dont le véritable sujet est la mission de transmission…
Pour préserver cette image si fraîche de notre métier, voire héroïque pour les meilleurs d’entre nous, voici une lettre depuis nos Arcanes à nous pour vous dire : geeks, merci.
Voir aussi le blog « Archives et culture pop » (https://archivespop.wordpress.com/).
Que conservez-vous sur le thème de… Stop ! Les archives ne sont pas classées par thème. Contrairement aux Musées ou aux Bibliothèques qui conservent des collections, les services d’archives conservent des fonds. Les fonds sont des ensembles de documents qu’une personne physique ou morale a produits ou reçus dans l’exercice de son activité, tandis que les collections sont la réunion artificielle de documents en fonction de critères établis par l’organisme chargé de les conserver.
Le classement opéré par les archivistes est guidé par le principe du respect du fonds, c’est-à-dire le respect de la provenance, de l’intégrité, et parfois même de l’ordre originel des documents. Ainsi, il ne viendrait pas à l’idée d’un archiviste de rassembler des documents produits par une personne privée, un service de la Ville et un service de la Métropole au prétexte qu’ils traitent d’un même sujet. Avant même de s’intéresser au contenu d’un document, les archivistes étudient son contexte de production : que faisait le producteur du document lorsqu’il l’a produit, reçu ou classé ? Quelle action a conduit à la création du document ?
C’est grâce au contexte de production que l’archiviste peut déterminer la valeur d’un document et en proposer une description fiable. Pour reprendre l’exemple donné par le Piaf (portail international d’archivistique francophone), un état des récoltes sera interprété différemment selon qu’il vient : du fonds de l’exploitation agricole elle-même (on peut penser qu’il est exact puisqu’il s’agit des archives de gestion de l’exploitation), d’un fonds d’administration fiscale (il y a de fortes possibilités qu’il ait été sous-estimé pour payer moins d’impôts ou même obtenir un dégrèvement), d’un dossier judiciaire issu d’un contentieux (par exemple entre propriétaire et métayer : il pourra avoir été surestimé ou sous-estimé selon la partie concernée).
Les archives sont la documentation pour la recherche historique. Sans documents d’archives fiables, l’histoire reposerait sur des affabulations. L’archiviste doit donc préserver les éléments qui permettront au chercheur d’analyser un document sans faire de conjectures.
Alors, lorsque vous viendrez aux archives et que vous demanderez à consulter des documents sur les pistes cyclables à Toulouse entre 1976 et 1981, l’archiviste qui vous accueillera ne saisira pas l’occurrence « pistes cyclables » dans la base de données. Il cherchera à savoir quel service de la Ville avait la responsabilité des pistes cyclables puis consultera les fonds de ce service et vous proposera ensuite des archives à dépouiller.
Le « respect des fonds » en archivistique : principes théoriques et problèmes pratiques, La Gazette des archives, n°97, 1977. - Persée (persee.fr)
Sa disparition est arrivée en début d’année, mais le thème de ce mois-ci fait remonter des souvenirs d’un témoin du passé : notre micro de salle de lecture !
Probablement installé en 1996 lorsque les Archives municipales ont investi le réservoir de Périole, il a accompagné les présidents de salle pendant 26 ans. Il permettait à celui qui restait en salle de transmettre des informations à celui qui était descendu chercher les documents, ou faire appeler un collègue, grâce aux haut-parleurs installés dans les couloirs des magasins et des bureaux. Et puis nous nous sommes modernisés, et le téléphone a fait son apparition dans l’ensemble du bâtiment. Le micro a perdu son rôle, mais il est resté spectateur du va-et-vient de la salle de lecture jusqu’en février 2022.
C’est au cours d’une réflexion sur la salle de lecture pour mettre à plat nos procédures et repenser l’aménagement que la décision a été prise à l’unanimité : le micro et son équipement volumineux devaient laisser leur place.
Et c’est aussi à cette date que certains d’entre nous ont découvert que, même s’il n’était jamais utilisé, il fonctionnait encore, et que certains collègues s’étaient bien gardés de le dire aux petits nouveaux ! Vous vous en doutez, un certain nombre d’entre nous ont rêvé de passer une annonce avec lui pour tester l’acoustique, et ont très vite été déçus quand ils n’ont pas entendu le son de leur voix raisonner en salle. Car, en voyant ce micro posé là, on se dit forcément que c’est pour se faire entendre des lecteurs, alors qu’en réalité on vous entend dans tous le bâtiment SAUF de là ou vous vous exprimez (mais ça, vous l’apprenez bien plus tard).
Combien de « 1, 2, 1, 2… » ou de « la salle de lecture va fermer ses portes dans 5 min » ont été prononcés ? Mystère ! Ce qui est sûr, c’est que certains ont été plus créatifs en poussant la chansonnette un midi où les lecteurs étaient déjà partis. Et si vous leur demandez, je suis certaine que chaque agent des Archives municipales aurait une anecdote à raconter grâce à ce micro ;-)
Chut ! C'est un secret réservé aux initiés !
Circulez ! Il n'y a rien à voir.
L'accès aux archives peut être parfois considéré comme un parcours du combattant : documents confidentiels, cachés dans des dépôts sombres et impénétrables. Les kilomètres de documents conservés dans les couloirs des archives publiques sont-ils vraiment librement communicables ? Selon le Code du patrimoine (art. L.213-1), oui : les archives publiques sont par principe communicables à toute personne qui en fait la demande. Cependant, certains documents peuvent contenir des informations qu'il est nécessaire de protéger. Les secrets d'État, les secrets des personnes et de la vie privée, les secrets industriels et commerciaux, les secrets judiciaires ne seront pas communicables pendant une période définie. À l'issue des délais de communicabilité, ces documents pourront enfin être consultés.
Mais il n'y a pas que les délais légaux qui rendent les archives non communicables. Les restrictions d'accès aux documents peuvent s'appliquer pour d'autres raisons. En effet, les archives mal conservées, les documents détériorés ou encore les fonds non classés ne sont pas consultables. Si la consultation des archives protégées par des délais légaux de communicabilité peuvent faire objet d'une autorisation exceptionnelle avant l'expiration de ces délais, les documents non communicables en raison de leur état matériel ne peuvent bénéficier d'une dérogation.
Il n'y a donc pas de mystère : la mauvaise gestion et la mauvaise conservation peuvent condamner les archives aux oubliettes, à jamais occultées dans le secret.
ROUGE, en 1733, au quartier du Port-Garaud, le petit Costa est soupçonné d'avoir sévèrement battu un autre enfant ; protectrice, sa mère assure que c'est en fait la mère de l'adversaire qui a giflé son petit Costa d'amour, à tel point qu'il « avoit les joues enflées et rouges, pleurant beaucoup »1. La suite de l’affaire ne sert plus à notre propos, mais est délicieusement riche en insultes échangées entre les parents respectifs.
BLANC, pour Georges Miquel, se faire traiter publiquement de cocu volontaire et entendre dire que sa femme est une putain, c'est déjà un peu dur à avaler ; mais lorsque la harpie qui l'invectivait accompagna ses mots de gestes violents, c'est à dire qu'elle lui asséna sur l'estomac un poids de une livre, George « changea de couleur et devint fort pâlle »2.
VERT, pour Marie Blanc, changer de couleur aura été un moment agréable (enfin, on l'espère) ; en effet, on peut dire qu'elle passe au vert le 24 juillet 1792, en s'unissant au coutelier Guillaume Vert3.
JAUNE, pour Marie Rouziers, ça ne va pas fort en ce moment : « depuis environ trois semaines, la bile répandue dans son corps lui a enlevé ses couleurs naturelles et lui a substitué une jaunisse prodigieuse ». Pire encore, ses nouvelles couleurs lui valent les sarcasmes de Jeanneton qui, dotée d’un « esprit méchant », fait maintenant courir le bruit que sa maladie est toute autre, assurant à qui veut l'entendre que Marie « avait tant fait la putain qu'elle avait attrapé la vérole »4.
BLEU, faute de trouver des personnes virant au bleu, nous nous rabattrons sur la garde-robe de Margouton, dans laquelle se trouve « une paire soulliers de peau bleue »5. Las ! Margouton ne portera plus ses beaux souliers, car elle vient de chausser les bottes de sept lieues en s’évadant du quartier de force de l’hôpital où elle était renfermée.
NOIR, Suzanne Bosc se plaint d’avoir été maltraitée, mais l’accusé répond par l’intermédiaire de son avocat qui se fend d’un superbe factum dans lequel il assure que ladite Bosc plaignante, sujette à une « vapeur noire qui trouble et dérrenge le cerveau »6 serait en fait l’agresseuse et non pas la victime ; le procès qu’elle intente n’étant de fait qu’une « noire calomnie ».
ARC-EN-CIEL, lessivant du linge à « la fontaine Del Prad, au-dellà de celle de Sainte-Marie, sur le chemin de Saint-Martin du Touch », Catherine se fait agresser par une autre blanchisseuse ; son adversaire « la serra si fort qu'elle faillit à l'étrangler, étant venue de plusieurs couleurs »7.
En hélant par hasard une autre femme dans la rue, Marie Filles « s'apperçeut que lad. femme avoit changé de couleur et s'étoit troublée ». Normal, car Marie ne le sait pas encore, mais l’autre est une receleuse chargée d’un butin – qui conduira son mari à la potence8.
Marie Longuevergne est manchote. Malgré cette affliction qu’il a plu « au bon Dieu de luy donner », elle gagne sa vie comme portefaix. Qu’a-t-elle fait pour que la nommée Chimoncle se jacte ainsi de lui couper son autre bras ? Passant même à l'action, c’est avec une pierre que la Chimoncle lui assène un coup « sur sa teste, dont elle fut estourdie et […] elle changea de couleur »9.
Finissons avec Jeanne Bonnet, danseuse de la comédie de Toulouse, plus connue sous le nom de la Devillier. Ses cheveux sont généralement d'un châtain foncé. Or, lorsque nous la découvrons, au matin du 21 avril 1784, ils « sont venus couleur d'or »10. Quant à son visage, il présente plusieurs nuances subtiles de rouge et de noir, rehaussées par ses « yeux, rouges comme du feu ». Un véritable changement d'apparence, jusqu'à son manteau noir qui affiche maintenant des tons roux et ses gants de soie blanche désormais jaunes. Ce virage chromatique radical s'explique par l'agression à l'acide dont cette jeune étoile (filante) vient d'être victime la veille !
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1 - FF 777/3, procédure # 057, du 14 avril 1733.
2 - FF 789/1, procédure # 002, du 9 janvier 1745.
3 - GG 464, f° 136 verso.
4 - FF 834/1, procédure # 026, du 6 mai 1790.
5 - FF 789/6, procédure # 133, du 21 octobre 1745.
6 - FF 802/2, procédure # 057, du 3 avril 1758.
7 - FF 797/3, procédure # 092, du 6 mai 1753.
8 - FF 811/4, procédure # 071, du 6 avril 1767.
9 - FF 772/2, procédure # 058, du 29 octobre 1728.
10 - FF 828/3, procédure # 46, du 21 avril 1784.
Plusieurs religions l’affirment : Dieu est Tout-Puissant. Il nous donne le souffle de la vie et nous fait traverser le pont vers l'au-delà. C'est par Lui que tout commence et tout se termine.
Vu comme ça, pour le pauvre mortel, le destin est tout tracé. Au début, il est jeune et plein de vie. Il grandit en force, en vitalité et peut-être indispensable pour certaines missions de la vie. Puis, le personnage avance en âge et n'est plus sollicité que ponctuellement. Enfin, on ne fait quasiment plus appel à lui. Le temps est venu d'être éloigné pour laisser la place aux jeunes arrivants. Son sort est scellé.
Sur le temps qui passe et le moment de partir, le pauvre mortel n'a pas son mot à dire. Dieu décide. Mais comment s'y prend-Il ? Dieu obéit-Il à des lois, des règles ? A-t-Il des critères bien définis au moment de prendre ses décisions ? Ou agit-il au gré du hasard ? « Toi, tu restes. Et toi, tu pars définitivement ». J'espère pour Lui que ses choix sont basés sur des éléments clairs et précis. Cela Lui rendrait plus facile la tâche difficile de choisir.
Et voilà que nous aussi, au sein des archives, nous nous trouvons souvent face à la complexité des choix à faire pour mener à bien la conservation du patrimoine archivistique. Le volume documentaire produit est abondant. Toutefois, tous les documents n'ont pas vocation à être conservés pour l'éternité. Une fois la durée d'utilité administrative des documents arrivée à son terme, il est temps de distinguer les documents à conserver de ceux à éliminer. Vouloir tout garder peut compromettre la préservation de l'ensemble des archives ainsi que l'efficacité de leur communication.
Tel que Dieu, nous voilà voués à sceller le sort des documents : éliminer certains pour mieux conserver d'autres. Mais nous avons un atout : des dispositions réglementaires jalonnent nos décisions. « Toi, tu pars. Et toi, tu restes définitivement ».
Ah, le pouvoir de l'archiviste ! Contrairement au pauvre mortel qui part à jamais, les documents devenus historiques trouvent un second souffle, et remplissent une nouvelle mission : faire vivre la mémoire.
Déplacer des boîtes d'archives, on sait faire. C'est notre quotidien : arrivées de versements, traitement et reconditionnement, recherches et communications… Mais il y a des cas où cela peut s'avérer plus compliqué. Quand l'espace entre les tablettes1 n'est pas adapté à la taille de vos boîtes par exemple ! Il n'y a pas 36 solutions, il faut retabletter2. Cet été, nous avons entrepris de déménager certains versements d'autorisations d'urbanisme pour les centraliser dans le même magasin, plus proche de la salle de lecture. Plus de 800 boîtes transférées (et ce n'est pas fini), et environ 707 ml au total à retabletter. Trois demi-journées de travail ont été nécessaires. Voici le déroulé de cette opération d'envergure :
Pour ce travail, il faut : des collègues, 3-4 boîtes vides qui serviront de mesure, des tablettes, 4 taquets par tablettes, des marchepieds, un peu de souplesse, des bouchons d'oreilles pour l'étape 4, un gâteau.
Cette opération reste malgré tout exceptionnelle, fort heureusement pour nous. Le retablettage, de manière générale, est néanmoins indispensable pour garantir un rangement optimal des versements et aide à gagner de précieux mètres linéaires.
Bientôt, le magasin sera rempli d'autorisations d'urbanisme, et les espaces libérés dans les autres magasins seront très vite comblés par d'autres versements (500 mètres par an, eh oui…).
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1 - Nom donné aux étagères des rayonnages dans le jargon de l'archiviste
2 - Rehausser, abaisser ou retirer des étagères
3 - « BAM BAM », mais dans l'autre sens
Et « pas sable », pour un archiviste, c’est déjà très bien ! Non pas que nous manquions d’ambition, mais les grains de sable et les archives, ça ne fait pas bon ménage.
Laisser s’accumuler de la poussière sur un support, qu’elle soit composée de particules minérales ou organiques (suies, pollens, poils, etc.), c’est prendre le risque que le document subisse des dégradations chimiques avec l'acidité, mécaniques par abrasion ou même biologiques avec le développement de moisissures.
Alors, pour éviter dans arriver là, on époussette, on gomme, on aspire, non seulement à l’arrivée des documents dans le service d’Archives, mais encore de façon régulière pour maintenir un environnement sanitaire favorable à la conservation des documents.
La Justice a son garde des Sceaux, les Archives ont leurs marchands de sable… !
Depuis le Moyen Âge, des faux documents circulent au sein des lieux de pouvoirs. Ce sont soit des documents falsifiés, soit des documents créés de toute pièce. Ces derniers sont appelés forgeries, car leur vocation est de délibérément tromper le lecteur en modifiant, voire en créant un événement. L'historien Laurent Morelle estime que les deux tiers des actes des rois mérovingiens sont faux ou falsifiés. Au cours de l'histoire, de nombreux faux documents sont devenus célèbres : les fausses lettres de Marie-Antoinette dans l'affaire du collier de la Reine ; les photographies falsifiées en URSS ; les faux carnets d'Hitler par exemple. Si ces faux documents sont conservés, c'est parce qu'ils témoignent d'intentions de la part de leurs auteurs, et sont donc une source inestimable pour les historiens.
Au 17e siècle, la préoccupation de reconnaître les faux a donné naissance à une discipline permettant de critiquer les documents et de déterminer leur statut de vrai ou de faux.
Daniel van Papenbroeck, un jésuite hollandais, compare des sources littéraires avec les actes des rois mérovingiens et carolingiens pour vérifier des faits. Il déclare alors que des diplômes mérovingiens sont des faux et déclenche une polémique. Jean Mabillon, un moine bénédictin, est chargé par Colbert (ministre de Louis XIV et contrôleur des Finances) d'éclaircir cette affaire. Pour ce faire, il met sur pied une méthode d'analyse critique des documents. Il réunit le document déclaré comme faux ainsi qu'une collection de plus de 200 actes dont il va se servir comme outil de comparaison, s'intéressant aussi bien à la forme des documents qu'à leur contenu. Il définit ensuite un vocabulaire pour la description et la critique de son corpus. Le résultat de son étude est publié dans un traité : De re diplomatica (1681). La diplomatique est née.
La méthode de Mabillon consiste à analyser les caractères externes des actes : (matière du support, encre, forme de l'écriture, mise en page, ornementation des documents), ainsi que leurs caractères internes : les éléments d'identification (par exemple la suscription, soit l'identification de l'auteur ; la date du document), le corps de l'acte et ses clauses. Son analyse s'étend également aux mentions hors teneur : ce sont tous les éléments reportés sur l'acte qui vont donner des informations sur sa production, sa transmission et sa réception.
Arme contre le démon Titivillus, la diplomatique est une démarche qui permet d'analyser méthodiquement un document pour en déterminer la véracité. Elle est encore utilisée aujourd'hui, d'autant plus que le monde numérique est enclin à produire des faux.
Qui se souvient encore que nos anciens rois, oints du Seigneur, tutoyaient non seulement le firmament, mais encore que leur rayonnement pouvait illuminer les toits du Capitole ? Un couronnement, une naissance princière, une victoire militaire ou simplement le rétablissement de la santé du monarque, donnaient lieu en effet à de véritables bacchanales lumineuses dont les chroniques passées nous éclairent quelquefois.
Prenons par exemple deux événements assez rapprochés : la « reconvalescence » du jeune Louis XV, début août 1721 (après un vilain virus) et le rétablissement du parlement de Toulouse dans ses droits anciens par Louis XVI, en mars 1775. Pour ces deux occasions, les capitouls s'empressent de célébrer en grande pompe ces « miracles royaux » et, pour cela, n'hésitent pas à faire embraser les toits – et les finances – du Capitole pour que Toulouse y gagne son titre de « ville de lumière » bien avant celui de « ville rose ».
Clash of illuminations
En août 1721, le toit du Capitole est en partie éventré par le recouvreur Jean Faure afin de pouvoir déposer sur sa façade et ses fenêtres des falots et des chandelles1. Ces illuminations célestes sont accompagnées de réjouissances aériennes et terrestres avec des fusées volantes, de la musique et des feux de joie qui embrasent les cœurs dans chaque foyer : « on ne voyoit que feux alumés et des illuminations extraordinnaires, et dans le public, et dans les maisons des particuliers. On y fit feste pendant trois jours »2.
En mars 1775, la folie des illuminations bascule dans l'outrance. Deux mille lampions et vingt-quatre pots à feu sont commandés le 23 mars3. Cette débauche de lumière est installée par le nommé Vigoû, couvreur de son état, sous le regard bénévolent d'une statue en carton-pâte de Louis XVI. Cette dernière, installée au centre de la place Royale, trône au sommet du théâtre du feu d'artifice et contemple les toits du Capitole. Ce double inanimé du roi singe son modèle qui, rappelons-le, affectionne particulièrement les promenades, perché sur les toits de Versailles.
Belote et rebelote
Mais une fois la fête terminée, les réparations doivent commencer. Comme faire et défaire est toujours travailler, nous retrouvons Jean Faure qui est commissionné cette fois pour réparer les dégradations causées aux toits lors de l'installation des illuminations ; même tarif pour Vigoû en 1775, tant et si bien que ces festivités engendrent des dépenses qui se montent respectivement à plus de 722 livres en 1721 et 6 270 livres en 1775 !
Et, si jamais quelqu'un se penchait sur les dépenses lors des festivités en l'honneur de Louis XIV, verrait-on les toits du Capitole transformés en véritables féeries lumineuses ? Car, si tous les Louis brillent, le Roi Soleil resplendissait indéniablement de mille feux.
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1 Pièces à l'appui des comptes, 1720-1721. CC 2737, pièces n° 51-52. Ce volume contient encore d'autres documents relatifs aux dépenses de la ville à l'occasion des célébrations organisées lors de la convalescence du roi.
2 Chroniques des Annales manuscrites des capitouls pour l'année 1721. BB 283, chr. 392, p. 134.
3 Pièces à l'appui des comptes, 1775-1776. CC 2809, pièce n° 73. Ce volume contient encore d'autres documents relatifs aux dépenses de la ville à l'occasion des nombreuses célébrations organisées lors du rétablissement du parlement.
Tadaaa !
Ah, si seulement les archivistes pouvaient avoir une baguette magique pour faire apparaître et disparaître, à la demande, la foultitude de documents et de données produits par la collectivité !
Trois petits coups sur la boîte, et hop ! La facture réclamée par le Trésor Public, le plan demandé pour isoler une école, ou la photographie recherchée pour illustrer un événement apparaîtrait, tel un lapin hagard sorti d'un chapeau haut-de-forme.
Mais point de magicien dans la fonction publique, point de havresac où compiler toutes ces connaissances. Rien que l'espace fini des bâtiments d'archives et des serveurs informatiques…
Heureusement, il y a les archivistes !
C'est quoi, les archives privées ?
Des archives incommunicables ? Parmi les archives privées, il y en a.
Des archives non classées ? Il y en a aussi (eh oui, elles arrivent parfois en vrac...).
Quand j'étais lecteur à l'Archivio secreto du Vatican, je siégeais à côté d'une Polonaise qui en lisait au petit-déjeuner. Ces archives n’étaient donc pas secrètes. Elles étaient communicables, et même classées. Mais arrêtons avec ma vie privée (et inclassable... mais chut ! C'est un secret).
Bon, en théorie c'est simple : les archives privées sont celles produites par des gens ou des organismes qui ne sont pas publics. Principe rigoureux comme l'algèbre de Boole. Je ne vous dis pas le casse-tête quand il s'agit d'organismes semi-publics, voire d’organismes privés avec mission de service public... De quoi perdre le Boole. Alors, restons sur les fondamentaux.
A Toulouse, nous avons des archives privées. Du lourd à déchiffrer : sans compter notre iconothèque et notre bibliothèque, on en dénombre environ 2 500 mètres linéaires. Pour la circonstance, lançons-nous dans une ronde des chiffres, en mode écologique : adieu calculatrice électronique, bonjour boulier. Et comme j’écris un matin, je vous impose l’ordre décroissant :
1) près de 1400 mètres d'archives d'entreprises : espace urbain oblige, les architectes s'y taillent la part du lion (une bonne moitié), suivis par les métiers du livre et de la presse, puis par une constellation de métiers ;
2) plus de 900 mètres sont occupés par la mémoire d'associations et autres organismes de droit privé : on y trouvera des sources sur le monde du travail, l'éducation, les loisirs, et des mouvements intellectuels, sociaux et scientifiques en tous genres ;
3) et les contributeurs de l'histoire toulousaine (voire au-delà) ? Ils nous ont légué 116 mètres d'archives d'érudits. Un trésor de guerre, pour sûr ;
4) à propos de guerre : quoi de mieux que les archives intimes pour raconter, avec une émotion que l'Administration ne saurait se permettre, le quotidien des soldats, des prisonniers, des résistants, des exilés ? C'est une part très prisée d'un dernier grand ensemble que l'on pourrait appeler "Archives personnelles et familiales", qui atteint presque 100 mètres.
Ces fonds rivés à la vie quotidienne des Toulousains, considérablement enrichis ces vingt dernières années, ne sont pas tous exploitables, mais il était temps de leur construire un nouveau "cadre de classement" agrémenté de statistiques. Les chiffres étant encore un peu à la louche, on les servira avec un camembert bien fait. Vous avez dit boul… imique ?
La validation d’un document est une étape cruciale de son cycle de vie. Elle marque le moment où le document quitte les mains de son auteur pour devenir un document qui engage tout un organisme. Cette validation le transforme donc en instrument juridique : la signature du document validé participe à son caractère exécutoire et donne les preuves de son authenticité.
Les signes de validation ont évolué au fil des siècles, la signature n’ayant pas toujours eu le rôle de validation qu’on lui connaît aujourd’hui.
Avant le 11e siècle, les documents étaient validés par la présence, en fin de document, de souscriptions et de signa. Les souscriptions consistaient en la consignation autographe des noms, titres et qualités des auteurs, parties ou témoins. Elles étaient accompagnées généralement de l’empreinte du cachet ou anneau à signer de la personne traçant la souscription, les fameux signa. Les personnes ne sachant écrire faisaient rédiger leur souscription par un témoin et traçaient une croix en guise de signum, le témoin certifiait alors la souscription de l’auteur dans la sienne. Cette « croix » devient le seing manuel qui, en fonction de la maîtrise ou non de l’écriture, peut prendre des formes plus ou moins compliquées. Le seing manuel remplace progressivement l’empreinte de l’anneau à signer et adopte différentes formes, tel le monogramme, propre à celui désigné dans la souscription. De très beaux exemples de seings manuels sont conservés aux Archives de Toulouse dans les livres des matricules des notaires enregistrés par les capitouls.
Puis les souscriptions tendent à disparaître au cours du 11e siècle, et le recours aux seings manuels ne se poursuit que dans la pratique des notaires. Ces seings manuels deviennent les « grands seings » et se voient adjoindre le « seing du nom », constitué des lettres du nom du notaire, et accompagné d’un paraphe. Au cours du 16e siècle, le seing du nom finit par remplacer le « grand seing » et devient à proprement parler une signature et un signe de validation.
Et le sceau dans tout ça ? Son usage se développe, par imitation des actes royaux, à partir du 12e siècle. Il n’est pas un signe de validation, mais donne le caractère authentique à un document (après sa validation, le document n’a pas été modifié). Il est peu à peu supplanté par la signature, préférée dès le 14e siècle pour la validation de documents de moindre importance. Le recours à la signature est même rendue obligatoire en mars 1554 pour tout un ensemble d’actes.
Et notre sujet du mois d’avril : le tampon ? A lui seul, il n’a aucune valeur juridique. Pour ce faire, il doit impérativement être accompagné d’une signature. Bien qu’il n’existe aucune obligation légale à l’apposition d’un tampon, il comprend généralement des informations indispensables à l’authentification d’une signature en indiquant le nom et la qualité du signataire. Il permet également de tracer la provenance d’un document et peut aussi donner des informations sur l’état d’un document (informations sur sa valeur) : « original », « copie », classification telle que le « secret défense ».