L'image du moi(s)
Chaque mois, petit billet d'humeur et d'humour à partir d'images conservées aux Archives. Forcément décalé !
Juin, mois des paradoxes, voit célébrer les fêtes de la musique et du cinéma et, simultanément, se tenir les épreuves du baccalauréat. Il est vrai que les ados sont sûrement les seuls à pouvoir écouter avec passion des reprises approximatives de Deep Purple entre un dj autiste et un groupe de bandas éméché ou à vouloir faire 2 heures de queue et s'entasser dans une salle de cinéma pour regarder un film qu'ils n'ont pas choisi parce que les autres séances étaient complètes. On voudrait leur faire rater leur bac, on ne s'y prendrait pas autrement. Mais, paradoxe toujours, les parents n'ont que la réussite à la bouche, quand ce ne sont pas les médias qui, après s'être flagellés sur le thème de la crise, s'extasient sur le succès d'entreprises locales. Pourtant, il y a une poésie de l'échec.
Prenez par exemple les biscuits Perlette. Ils avaient tout pour réussir... ou presque. Un nom original, mais pas très heureux. Un visuel dont on se souvient, mais pas très beau. Une stratégie commerciale à l'américaine avec coupons de réduction, un peu pénible. Un cycle de production court où tous les ingrédients provenaient des environs de Saint-Gaudens, mais est-ce vraiment un atout ? Et pour finir un slogan qui claque : « Faites comme Bibi ». Effectivement, comme le chantait Bibi, les ventes commencèrent « Tout doucement » et, ce qui est plus problématique, continuèrent sur le même rythme au point de faire péricliter la société. C'est triste, mais c'est beau.
A l'instar des moustiques, le mois de juillet voit pulluler les festivals dans les villes et villages de France ; à tel point que l'on se demande s'il existe encore des communes qui n'en organisent pas ? Il semble bien qu'une poignée d'irréductibles résiste toujours au festivalisme. Mettez-vous à la place des municipalités désireuses d'organiser des rencontres de Connaux (Gard) ou un festival de Saligos (Hautes-Pyrénées), on peut comprendre leurs doutes quant à l'afflux du public, d'ailleurs s'il en venait ce serait presque pire. Notons au passage la grande inégalité entre villes eu égard à leur nom. Si j'organise le festival de Bèze (Côte-d'Or) j'aurais forcément plus de succès que pour le festival de Chilleurs-aux-Bois (Loiret). C'est tellement injuste !
Dans la région toulousaine, les fêtes et manifestations populaires de l'été sont nombreuses. Il en est une que l'on a un peu oubliée aujourd'hui qui avait été initiée en 1960 par le chansonnier et couturier Jacques Esterel et Jean-Baptiste Doumeng, le maire de Noé surnommé le « milliardaire rouge ». « La belle Gaillarde » prenant le prétexte d'une élection de miss donnait lieu à trois jours de festivités et de concerts dans les rues du village. On peut voir sur ce cliché la fanfare des Beaux-Arts de Paris, lors de l'édition de 1961, année où l'invité d'honneur était le réalisateur Jacques Tati.
Une légende urbaine veut que la ville au mois d'août soit particulièrement agréable à vivre. Outre le beau temps, il y aurait peu ou pas de circulation, les autochtones y seraient plus aimables, bref, il y régnerait une atmosphère légère, d'été en pente douce, qui vous rendrait plus heureux. C'est en tout cas ce que disent les gens qui partent généralement en vacances au mois d'août. Pour les autres, ceux qui restent, cela ne va pas forcément de soi. D'abord, il fait très chaud, ensuite les fameux travaux d'été rendent la circulation aussi difficile qu'en temps normal, l'amabilité des gens reste relative, c'est surtout qu'ils sont tous partis. Heureusement il y a Toulouse plages qui donne un air de vacances à la ville rose. On s'en baignerait presque dans la Garonne !
Une chose est sûre, les Toulousains du début du siècle ne s'en privaient pas, que ce soit à la prairie des Filtres ou dans les piscines installées le long du quai de Tounis. Peut-être essayaient-ils de reproduire les figures aperçues dans le spectacle « Le record du monde sous l'eau » donné par les plongeuses anglaises « Les Ondines » sous la houlette du professeur Harry, à la foire de Toulouse en mai 1918. A l'époque, le journal L'Express du Midi, avait fait cette recommandation à ses lecteurs : « Allez voir les Ondines à la foire. C'est très moral. » Comme campagne publicitaire on a vu mieux...
Quand sur la grande allée
S'envolent les fantômes
Des chaudes nuits d'été
Et annoncent l'automne.
Quand du haut des pommiers
Roulent les rouges pommes
Jusque dans ton panier
Et jusque dans mon cœur.
Réjouis toi ma mie
Car notre amour éclot
Comme le champignon
Du haut de sa fenêtre
Éclaire l'avenir
De ses yeux d'obsidienne
Perçant les pâles brumes
De nos amours défuntes
Et l'énigme du sphinx
Demeure sans réponse
Tel un cri silencieux
Jeté dans les eaux sombres
Et troubles de tes yeux
Où malgré moi je sombre parce que je nage mal.
C'est pénible le mois d'octobre, la poésie est partout. Dès que le vent se lève on se sent Saint-John Perse, à regarder les chats on se « baudelairise », on marche par les chemins d'un pas « victorhuguesque » et quand tombe la nuit…on va se coucher parce que c'est fatiguant tout ça à la fin. Mais parfois au retour, sur les bords de la route, le hasard a semé une âme sœur, un ami et c'est dans un café que l'on boit un vermouth ou bien un calvados. On évoque rêveurs les girondes Normandes qui, aux mêmes saisons, récoltent les beaux fruits dont l'esprit se révèle sur vos lèvres gourmandes, élixir éthéré aux saveurs de bocage. Calvados toulousain présenté à l'image, surréaliste en diable, diablement incongru, comme le cassoulet de Cherbourg ou de Caen. Et pourtant, Benoît Serres, alcooliste de génie, fit naître sur les rives de la belle Garonne, l'hydromel normand des pommiers du Quercy… Bon, je préfère m'arrêter avant de faire rimer solstice avec saucisse. Le mois d'octobre, comme le calvados, à consommer avec modération.