Quand on entre au Capitole, l’hôtel de ville toulousain, l’œil se porte immanquablement sur une porte monumentale au fond de la cour centrale. Le point qui focalise d’abord l’attention est naturellement la statue du roi Henri IV qui la domine. Puis on est ensuite attiré par un grand texte en lettres d’or sur marbre noir qui s’étale sur toute la largeur du passage : HIC THEMIS DAT JURA CIVIBVS, APOLLO FLORES CAMŒNIS, MINERVA PALMA ARTIBVS qu’on traduit Ici Thémis donne la loi aux citoyens, Apollon les fleurs aux poètes, Minerve les palmes aux artistes. Cette inscription avait été placée là en 1771 pour témoigner qu’on rendait la justice au Capitole et qu’il abritait les académies des Jeux-Floraux et des Arts. Depuis cette date, on pourrait croire qu’elle n’a jamais bougé. On l’aperçoit, bien à sa place, sur les gravures du 19e siècle, les premières photographies connues du Capitole ou les cartes postales anciennes.
Et puis un jour, aux archives municipales de Toulouse, on tombe sur le cliché que nous présentons et que certains détails permettent de dater : après la restauration de la cour des années 1872-1873, mais avant la construction de la façade orientale du Capitole en 1884 qu’on ne voit pas en arrière-plan. Premier réflexe : elle est bien floue cette photo pour ne pas distinguer l’inscription HIC THEMIS… Mais en se rapprochant, on réalise qu’en fait elle n’est plus là ! En effet, on distingue à sa place un très long laïus qu’on ne parvient malheureusement pas à déchiffrer à cause de la petitesse des lettres. Il faudra alors consulter les notes de Ferdinand de Guilhermy, conservées à la Bibliothèque nationale à Paris, pour en savoir plus. Après de précédentes visites à Toulouse, il y revient en novembre 1873 pour examiner les restaurations en cours, s’étonne de ne plus voir l’inscription d’origine et transcrit le texte qui la remplace. Texte que nous pourrons ensuite retrouver dans les annales conservées aux archives municipales de Toulouse : c’était une inscription commémorant, en 1552, la construction du portail du Grand Consistoire. Cet ancien bâtiment du Capitole, situé derrière la porte que nous étudions, avait été démoli au début du 20e siècle.
Alors pourquoi vouloir rappeler son souvenir en 1873 en sacrifiant une inscription bien plus spectaculaire ? Mystère. En tout cas, cela ne plut pas à tout le monde. Les photographies postérieures à 1884 que nous connaissons montrent que l’inscription HIC THEMIS fit rapidement son retour. En fait, ce n’était pas son premier tour de passe-passe. On sait par le témoignage de l’archéologue Alexandre Dumège qu’elle avait déjà momentanément disparu en 1848 avant d’être promptement rétablie.