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Photographie pour les nuls

Portrait flou d'un très jeune enfant assis sur un fauteuil, Début 20e siècle, Raoul Berthelé - Mairie de Toulouse, Archives municipales, 49Fi1348.

Photographie pour les nuls


juillet-août 2024
Pour tout vous avouer, c’est un de mes péchés mignons favoris, celui de butiner à mes heures perdues d’images en images, pour tenter de débusquer mes futurs coups de cœur visuels. Si certains clichés se démarquent bien facilement grâce à leur qualité technique et esthétique, œuvres d’un opérateur ayant suivi assidûment les multiples tips de la Photographie pour les Nuls, d’autres s’éloignent un peu du chemin attendu. Au risque d’être prise en plein flagrant délit d’hérésie photographique, j’ai bien envie aujourd’hui de défendre avec ardeur ces images mises injustement de côté pour cause de peccadilles. Elles sont parfois même un peu ratées, mais n’en demeurent pas moins remarquables, dotées de la qualité de surprendre, intriguer, ou amuser son spectateur. Cadrage médiocre, composition aléatoire, sujet flou, intrusion fortuite d’un doigt sur l’objectif ou de l’ombre de l’opérateur, exposition ratée, ou altération lors du développement du film, la liste est longue. Tant d’éléments qui semblent repoussants, mais qui pourtant révèlent toutes les subtilités et limites du médium, ainsi que la touchante étourderie humaine de l’opérateur. Véritable hantise pour certains, pour d’autres ces anomalies peuvent se révéler être de belles surprises. Sans revenir sur mon obsession pour l’auto-ombromanie évoquée précédemment, il faut savoir que je voue aussi une véritable admiration à l’utilisation du flou dans la photographie. Amateur ou professionnel de l’image, on cherche bien souvent à fuir les mises au point approximatives qui pourraient rendre par mégarde notre sujet de prédilection complètement flou. Oups ! Accident, ou volonté de l’auteur, son usage peut à l’inverse nous raconter bien d’autres histoires. Spirite qui apparaît, double mystérieux, filet de lumière, le flou est aussi source de poésie et souligne parfois tous les tremblements du quotidien. Il offre au photographe la possibilité d’élargir son champ de vision pour retranscrire avec plus de finesse la disparité des sensations et émotions qui nous traversent : exaltation de joie, agitation, fureur, mouvement et vitesse, ou parfois oscillation d’un chagrin dissimulé.
Au-delà de sa qualité artistique ou esthétique, une image n’a pas toujours besoin d’être réussie pour détenir une forte valeur sentimentale. Un cliché raté ou mal cadré, est peut-être étrangement celui qui va nous faire chavirer. Représentant une personne chère à nos yeux, ou un souvenir fugace, c’est ce dernier qu’on souhaite garder proche de nous et qui va intimement prendre sa place dans une des petites poches de notre portefeuille. Il peut aussi être accroché sauvagement sur les murs blancs de notre logement, ou se voir coller religieusement dans un cahier de brouillon faisant office d’ album de famille. Pour ma part, je crois bien pouvoir affirmer qu’ André, Roudoudou pour les intimes, m’en a appris bien plus sur la force de la photographie que la variété des dogmes pratiques d’un quelconque manuel de photographie.