ARCANES, la lettre

Dans les arcanes de


Chaque mois, l'équipe des Archives s'exerce à traiter un sujet à partir de documents d'archive ou de ressources en ligne. Retrouvez ici une petite compilation des articles de la rubrique "Dans les arcanes", des édito détonnants pour présenter le thème du mois.

DANS LES ARCANES DE


Enfants jouant dans la cour de la maternelle du Béarnais, 17 septembre 1979, photographie N&B, 18×24 cm. Mairie de Toulouse, Archives municipales, 2Fi3513.

Les p’tits crapauds


mars 2024
Petit, j’aimais bien Kermit la grenouille, mais il a très vite  été détrôné par l’arrivée de Casimir en seconde partie de l’émission 1, rue Sésame. Ainsi, le dinosaure le plus sympa du PAF a raflé la mise et marqué plusieurs générations téléspectateurs français. Certes, ce dernier tenait plus du reptile géant que du batracien, mais ne sont-ils pas tous deux indéfectiblement liés à la jeunesse ?

Car je ne saurais expliquer pourquoi les bambins sont littéralement aimantés par les têtards, grenouilles et autres tritons. Sûrement un mélange de peur et de fascination, comme pour les tyrannosaures. D'ailleurs, à y regarder de près, le scénario de L'Île aux enfants est assez effrayant. Imaginez un groupe d'enfants séparés de leurs parents, isolés sur une île où sévit une bestiole préhistorique. On se croirait plus dans Jurassic Park que dans Oui Oui décroche la lune.

J’invoquerai donc votre âme juvénile pour aborder ce 151e numéro d’Arcanes en vous invitant d’abord à une chasse ranicole qui s’élargira ensuite à toutes sortes de produits de la nature, sous l’œil du jeune reporter Jean Dieuzaide.

Nous remonterons ensuite un peu plus loin dans le passé pour évoquer les perceptions météorologiques sous l’Ancien Régime. Elles varient, certes, dans le temps mais pareillement dans l’espace. Ainsi lorsqu’il y a de l’humidité dans l’air en Normandie, dans le Sud on appelle ça la pluie.

Quoi qu’il en soit, l’eau et les archives n’ont jamais fait bon ménage, car si nos têtes blondes aiment à patauger dans les flaques, c’est un peu moins le cas des archivistes. Pour prévenir ce type de déconvenues des travaux d’étanchéité sont actuellement en cours dans notre bâtiment. Ce qui est finalement assez logique pour un ancien réservoir.

Originellement construit en 1892, cet édifice faisait partie du système général d’alimentation en eau de la ville au même titre que les nombreuses fontaines publiques. Qui s’y intéresse pourra y découvrir, ici et là, des représentations grenouillesques.

De mon côté, je me souviens, enfant, avoir découvert sous quelques centimètres de terre, un gros crapaud vivant. L’expérience s’est avérée assez désagréable, contrairement, j’imagine, aux archéologues ayant fait une batracienne trouvaille sur le site gaulois de Vieille-Toulouse.

Et pour achever cette cure de jouvence, que diriez-vous d’un petit barbotage sur notre base en ligne ? Vous y pécherez sûrement quelques spécimens remarquables !
Supporters agenais dans les rues de Toulouse à l’occasion de la finale du championnat de France de rugby à XV entre Agen et Dax le 22 mai 1966, négatif N&B, 6 x 6 cm. André Cros - Mairie de Toulouse, Archives municipales, 53Fi7667.

Teuf teuf !


février 2024
« Tiens tout a changé ce matin. Je n’y comprends rien. C’est la fêêête ! La fêêêêêête !» Eh oui, Michel ! Tu as cent pour cent raison, le 150e numéro d’ Arcanes mérite célébration. Et pour tout dire, j’ai bien envie, comme toi, d’enfiler une combinaison en satin rouge à col pelle à tarte, de me laisser pousser les cheveux et la barbe, pour danser et chanter au beau milieu d’un Big Bazar. Car il faut bien le reconnaître, la situation mondiale n’est pas au beau fixe. Honorons donc la newsletter des Archives comme il se doit. Et, même si depuis sa création en 2008, elle commence à avoir quelques kilomètres au compteur, on pourrait la comparer à ces vieux tacots customisés en roadsters dans les années 1950 par des ados en mal de sensations : un peu foutraques, assez amusants et coutumiers de la sortie de route. 
Mais empruntons d’abord l’autoroute de la jaille avec notre fête nationale que le publiciste Marius Bergé s’est plu à photographier durant l’entre-deux-guerres. Entre défilé militaire et compétition halieutique, courses hippiques et joutes sétoises, une mère n’y retrouverait pas ses petits, et pour cause, ils sont au concours de bébés organisé à cette occasion.
Nous vous inviterons ensuite à faire une pause sur l’aire « Corpus corporis » où, dans une ambiance moderne – pour ne pas dire d’Ancien Régime –, notre équipe vous fera découvrir les constats de chirurgiens réalisés à l’occasion d’affaires judiciaires.
Avant de repartir, si vous le souhaitez, vous serez briefés sur les règles à respecter pour conserver vos archives dans les meilleures conditions par notre responsable des fonds privés. Attention, tout contrevenant pourrait voir son don ou dépôt refusé.
La prochaine sortie vous mènera sur le chemin des écoliers, ou plutôt des écoles toulousaines, notamment celles réalisées dans les années 1920-1930 par l’architecte de la ville, Jean Montariol. D’aucuns pensent que le savoir est une fête, lui a fait entrer les salles des fêtes dans les établissements scolaires.
Votre paisible escapade pourra continuer à moins d’être interrompue par un défilé de bergers landais à échasses, ou de catalans dansant la Sardane. Vous serez alors tombé en plein Fénétra, manifestation folklorique locale qui pourrait trouver son origine, si l’on en croit des découvertes archéologiques, dans un culte funéraire.
Et votre grand tour s’achèvera en atteignant le Graal : les archives d’ Arcanes. D’un seul clic vous aurez accès aux thématiques les plus improbables, aux jeux de mots les plus éculés et aux éditos les plus capillotractés. De quoi, nous l’espérons, vous donner envie de continuer le voyage avec nous.
Statue d’Hercule, tombeau d’Henri II de Montmorency à Moulins (Allier), Michel et François Anguier, Thibaut Poissant, Thomas Regnaudin. 1649-1652. Cliché Gabriel Gay - Mairie de Toulouse, Archives municipales, 51Fi1706.

Travail de dingue


janvier 2024
Herculéen, sisyphéen. Ainsi pourrait-on qualifier le travail des archivistes tant la tâche de collecter aujourd’hui la mémoire de demain paraît immense et parfois illusoire. En effet, est-il vraiment possible d’anticiper les tendances historiographiques des décennies à venir ? Qui aurait pu prévoir, au début du 20e siècle, l’explosion des gender studies que nous voyons actuellement ? Et pourtant, fort de nos connaissances archivistiques, nous essayons au quotidien d’assumer cette mission qui prend souvent un air d’éternel recommencement. D’aucuns pensent qu’il faut être un peu fou pour faire ce métier, je ne sais pas, mais passionné, il faut l’être assurément. Je vous invite donc à découvrir le sommaire du n° 149 d’ Arcanes préparé par des rédacteurs passionnés et passionnants.

Et comment mieux commencer, en matière d’enthousiasme bouillonnant et communicatif, qu’avec Maurice Gourdon. Amateur éclairé, pyrénéiste forcené, photographe éclectique, ses curiosités sont aussi multiples que ses domaines d’activités.
Il en est de même pour les femmes sous l’Ancien Régime sans pour autant que leur soit systématiquement accolé le mot « métier ». Et pourtant au fil des procédures criminelles apparaissent des charrieuses de charbon et autres plieuses et couseuses de livres.
Je ne sais pas s’il y avait beaucoup de plieuses ou couseuses de livre au sein de l’entreprise JOB, mais il y avait sûrement beaucoup de papier. Papier cigarette principalement fabriqué dans les usines de Perpignan, de la Moulasse (Ariège) et de Toulouse que vous retrouverez dans le fonds privé de cette société que nous conservons.
Mais JOB ce ne sont pas que des usines, il y a aussi un hôtel particulier situé boulevard de Strasbourg, faisant office de siège social où l’on trouve même un (faux) château médiéval.
Nous resterons ensuite au Moyen Âge avec les tribulations de deux chapiteaux romans représentant le prophète Job, entre leurs lieux - pas toujours certains - de découverte et leurs institutions de conservation. Si la parole leur était donnée, ils en raconteraient sûrement de belles. 

Pour certains, faire parler des pierres est parfois plus facile que de faire parler des personnes. Néanmoins, les Archives ont lancé des collectes de témoignages  auprès d’érudits, photographes, architectes, syndicalistes toulousains en leur permettant de partager leurs expériences. Plusieurs dizaines d’heures d’écoute et de visionnage sont à votre disposition sur notre site. Un travail herculéen, je vous disais !
Concert du groupe Toto à l’ancien Palais des Sports de Toulouse, mars 1999. Joachim Hocine - Mairie de Toulouse, Archives municipales, 15Fi12505.

Toto, ma non troppo


décembre 2023
Je ne suis ni un héraut de la météo, ni cynique au point d'ironiser sur la situation dramatique qu'ont connu récemment le Kenya et la Somalie, néanmoins « Je bénis les pluies qui tombent sur l'Afrique ». La traduction de ces quelques mots extraits du tube planétaire de Toto Africa, nous replonge dans les années 1980. Considéré par certains comme un sommet de la pop-rock FM, ce titre débute par un incipit musical devenu presque aussi célèbre que celui de la 5e symphonie de Beethoven. Et pourtant, bien que ce groupe américain se soit produit à plusieurs reprises à Toulouse, comme le prouve ce cliché de 1999, je ne suis jamais allé le voir en concert. L'explication est simple, j'aime bien Toto, mais pas trop. En revanche j'adore le n° 148 d'Arcanes et ses chroniques.
Car les tubes ne se chantent pas seulement, on peut aussi les enfoncer dans le sol pour forer du gaz ou du pétrole. Avec sa maestria et son intrépidité légendaires Jean Dieuzaide réalise des clichés vertigineux dans le cadre de reportages et de commandes pour ses clients de la prospection d'énergies fossiles telle la RAP ou de la SNPA.
La SNPA qui n'est pas la Société nationale protectrice des apprentis qui, si elle avait existé, aurait eu fort à faire avec les maîtres boulangers de l'Ancien Régime tant ils avaient, semble-t-il, la main leste. C'est du moins ce qui apparaît dans les procédures criminelles de l'époque.
On aurait d'ailleurs pu crier au crime lorsque l'acteur-producteur bodybuildé Arnold Schwarzenegger repris en main le projet d'adaptation cinématographique d'une nouvelle de Philip K. Dick qui courrait depuis les années 1960. Grand mal nous en aurait pris car le résultat Total Recall fut un succès populaire et critique qui inspire même les archivistes d'aujourd'hui.
Je me souviens encore de la sortie en salle du film à l'époque où nous étions toute une bande de jeunes a hanter les troquets du « Ouest-Side » toulousain. Parmi eux il y avait la « Bier Akadémie » de Cornebarrieu, bien connue des Allemands d'Airbus. Mais il y a tant d'autres choses à voir dans cette dernière commune, dont le diagnostic patrimonial vient d'être achevé et consultable sur UrbanHist, ne serait-ce que ses châteaux.
Cependant, même si Cornebarrieu a de nombreux atouts elle ne fut pas sélectionnée pour figurer dans la publication « Les 100 villes qui ont fait l'occident » éditée en 1980 sous le patronage de l'entreprise Total. En revanche, c'est le cas de Toulouse et d'un intéressant relevé archéologique conservé dans nos fonds.
Et tandis que l'année s'achève, ainsi que cet édito, vient l'heure du bilan. On ne va pas vous faire la totale, mais sachez que les mois passés ont été bien remplis et que pour ceux à venir nous resterons à votre totale disposition tant sur notre site qu'en salle de lecture.
Cabinet d'Eugène Trutat place du Salin, 1894, négatif N&B sur verre, 13 x18 cm. Eugène Trutat - Mairie de Toulouse, Archives municipales, 51Fi193.

Visite des tas


novembre 2023

Le premier contact avant la prise en charge d'un fonds est parfois décourageant devant l'ampleur de la tâche. Que celui qui ne s’est jamais retrouvé au milieu de piles d’archives poussiéreuses, dans un ordre tout relatif, me jette la première boîte Cauchard. Je ne connais pas de professionnel du secteur n’ayant une anecdote sur ces « visites des tas » à raconter, mais aujourd'hui je serais plutôt enclin à vous parler des tas de visites auxquelles vous convie le numéro 147 d’Arcanes.
Tout d’abord celles, officielles ou touristiques, qui ont été immortalisées par des photographes toulousains. Du Bey de Tunis au Prince Philip, de la lagune vénitienne au Pallazzo Vechio florentin, vous voyagerez dans le temps et l’espace tel un Doctor Who en archivistique.
Vous suivrez aussi les pérégrinations du syndic des visites, sorte d’inspecteur de l’hygiène au sein des abattoirs de la ville au 17e siècle qui, à l’occasion d’une épizootie, est chargé de publier un arrêt du parlement dans les villes de Gascogne et Languedoc.
Plus près de vous, sans être pour autant plus accessibles, les magasins d’archives habituellement interdits au public pour des raisons de conservation et de sécurité, s’ouvrent tout de même une fois par an pour des visites lors des Journées européennes du patrimoine.  
Mais peut-être préférez consacrer vos week-ends à d’autres activités. Pourquoi ne pas aller voir un parent âgé, et pour ce faire, emprunter un parcours jalonné d’édifices remarquables dans le quartier de la Côte-Pavée ? Toutefois, si vous portez votre manteau rouge, méfiez-vous de n’être suivi par une personne peu recommandable.
L’évêque, lui, devait être tout de violet vêtu lors de ses visites pastorales, dont les notes sur l’état des églises constituent une source non négligeable de l’histoire de ces édifices sur lesquels travaillent les archéologues. Plus prosaïquement, ces derniers sont généralement affublés de vestes de sécurité fluorescentes, notamment lors des journées portes ouvertes où ils vous accueillent sur des sites fouillés ; ce qui peut créer une confusion en cas de visite de gilets jaunes.
Si vous préférez rester chez vous, en pilou-pilou, les Archives peuvent néanmoins venir à vous. Des reportages sont à votre disposition sur notre site pour admirer notre superbe bâtiment et rencontrer notre sympathique équipe. Mais que cela ne vous empêche pas de venir nous voir en vrai (on est mieux).

Arrêt de jeu lors de la finale du championnat de France de rugby à XV entre le Football club Lourdes et le Rugby club toulonnais au Stadium (Toulouse), le 16 juin 1968. André Cros - Mairie de Toulouse, Archives municipales, 53Fi7317.

L'intro de l’intrus


octobre 2023
Dans cet extrait du célèbre discours d’André Malraux prononcé devant le Panthéon s’est glissé un intrus ; à vous de le découvrir : « En tricycle, Jean Moulin, avec ton terrible cortège ». Il est tout à fait incorrect de dénaturer un texte historique, mais, pour tout un tas de raisons, l’image d’un terrible cortège en vélos à roulettes me réjouit. La chose, si elle existait, mériterait qu’un photographe du talent d’André Cros la fixe sur gélatine. Car son œil aiguisé avait le don de débusquer les détails qui détonnent, les personnages étonnants, les situations cocasses. Imaginez : alors que se joue la finale du championnat de France de rugby à XV de 1968 au Stadium de Toulouse entre Lourdes et Toulon, il aperçoit, au second plan, un spectateur juché sur le toit du bâtiment, un parapluie à la main, qu’il s’empresse d’immortaliser : une photographie parmi tant d’autres que vous pourrez découvrir dans l’exposition « André Cros, photographe de terrains. Clichés de rugby 1945-1988 » et dans l’ouvrage éponyme tout juste paru aux éditions Privat.

Mais André Cros n’était pas le seul à traquer le singulier. Certains cherchent les traces, volontaires ou pas, laissées par les photographes dans leurs images : de l’autoportrait à l’ombre portée. D’autres, mus par une ambition dévorante, se sont créés des généalogies imaginaires en falsifiant des documents on ne peut plus prestigieux : les Annales manuscrites des capitouls. Les archivistes ne sont pas en reste et proposent de nombreuses activités insolites à des horaires qui ne le sont pas moins : en soirée, la semaine, et en matinée, le samedi. Mais si cela ne vous intéresse pas, vous pouvez toujours aller flâner du côté de la rue du Collège de Foix où subsiste le clocher du disparu couvent des Cordeliers. Son aspect solitaire l’a fait surnommer « Tour » par les Toulousains. C’est à un autre tour que nous serons invités ensuite, dans les entrailles de la terre, à la poursuite d’artefacts farceurs qui voyagent dans le temps et viennent parasiter les fouilles, laissant nos amis archéologues perplexes. Non moins perplexes sont les archivistes lorsqu’ils se trouvent confrontés à des pièces isolées qui, bien qu’appartenant à un fonds, ne peuvent être rattachées à aucune catégorie de ce dernier. Il faut alors déployer des trésors d’ingéniosité pour trouver une solution, et si rien ne vient, accepter simplement l’intrus dans sa richesse et sa singularité. Amen.
Pompéi, vue animée sur le forum, avril 1888. Cliché Georges Ancely. Cliché positif sur plaque de verre, 8,5 x 10 cm, ancienne collection Eugène Trutat. Mairie de Toulouse, Archives municipales, 58Fi108.

Le Grand Tour


septembre 2023

À l'instar de générations de jeunes gens fortunés d'Outre-Manche (mais pas que) qui, sous l'Ancien Régime et même jusqu'à la Belle Époque entreprenaient leur Grand Tour en traversant l'Europe pour généralement atteindre l'Italie, voire la Grèce, nous vous proposons une alternative à moindre coût et bien plus écologique : un Grand Tour de ce numéro de rentrée d'Arcanes et par là-même le Grand Tour des Archives de Toulouse, ceci depuis votre fauteuil ou votre canapé.
Pensez, en quelques lignes vous allez pouvoir arpenter entre 17 et 20 kilomètres d'archives. Quelle aubaine !

Le Grand Tour peut ainsi débuter avec Jean Dieuzaide, qualifié ici de métatouriste. Il sillonne la France et photographie les monuments extraordinaires ou emblématiques qui vont servir à illustrer guides touristiques et ouvrages spécialisés, particulièrement dans l'art roman. Une invitation au voyage que l'on retrouve au travers de 60 albums conservés aux Archives.
Besoin de fraîcheur ? Qu'à cela ne tienne, l'aventure continue au fil du canal du Midi avec les archives d'Urbain et d'Henry Maguès qui nous ouvrent des voies d'eau mais ne répugnent pas à œuvrer sur terre et à préfigurer la grande percée d'Alsace-Lorraine.
L'étape suivante pourrait correspondre à un Grand Tour rabelaisien : on semble faire un crochet en Sorbonne, mais les pensées de Jacques Levron évoquent finalement les réserves auxquelles l'archiviste-paléographe doit se tenir dans son implication avec les syndicats d'initiative. Subtil rappel aux locaux des Archives de Toulouse qui, jusqu'en 1946, étaient dans le donjon, à l'étage de l'actuel Office du tourisme.
Notre Grand Tour ne nous amène peut-être pas jusqu'aux ruines de Pompéi et d'Herculanum, mais il nous invite à naviguer entre plusieurs bâtiments fièrement dressés vers l'azur toulousain, de la Poste ancienne de Léon Jaussely à la Téléphonie nouvelle d'Andrée Moinault, en passant par le Monument aux combattants (qui d'ailleurs, lui aussi, a fait son « Petit Tour », très remarqué, durant l'été).
Nous quittons un instant les galeries souterraines du réservoir de Périole afin de pousser notre pérégrination vers les monts Pyrènes, jusqu'à la grotte du Mas d'Azil, l'affiche est alléchante, et son auteur nous renvoie immédiatement vers les Archives puisqu'une partie de ses classeurs de dessins y est conservée, en attendant paisiblement une restauration préalable, puis un classement définitif.
Ce numéro d'Arcanes ne s'achèvera pas par un retour à la case départ car nous vous proposerons au contraire une manière de prolonger votre Grand Tour à votre guise, avec une sélection de destinations à faire pâlir d'envie les plus grandes agences de voyage. Les pantouflards y trouveront leur bonheur, comme les amateurs d'eau iodée ou de torrents d'altitude. Il y en aura même pour les fondus de romantisme, Grand Tour oblige.

Nous pourrions ainsi adapter cette platitude toute faite « les voyages forment la jeunesse » en une réflexion bien plus profonde : « les voyages dans les Archives ouvrent des fenêtres sur les mondes tant proches que lointains, passés ou à venir ».

Combles de l’ancien collège de Mirepoix, vers 1890. Mairie de Toulouse, Archives municipales, 51Fi1692.

Sales combles


juillet-août 2023
Les clichés ont la vie dure et l’imaginaire collectif associe encore souvent les Archives à des caves humides ou des greniers poussiéreux. Il y a certes un peu de vrai là-dedans car nous collectons parfois des documents dans des lieux incongrus mais, une fois arrivés dans nos locaux, ils bénéficient de conditions de conservation idéales. Nous les faisons parfois sortir pour le bonheur du public. C’est ainsi que près de 42 000 visiteurs ont pu voir les photographies de Jean Dieuzaide, issues de nos fonds, lors de l’exposition organisée en 2021-2022 avec la galerie du Château d’Eau et le couvent des Jacobins. Les spectateurs ont pu voyager, au fil des images du célèbre photographe, des campagnes de France aux villes du Portugal, en passant par les églises espagnoles et les ports ottomans.
C’est à un autre voyage que nous sommes tout d’abord invités à la lecture de ce numéro d’ Arcanes, partant des quais de la Garonne et de ses lavandières vers les côtes africaines via l’Aéropostale. Du linge à la ligne, il n’y a qu’une lettre qui chemine.
De cheminée et de fumage, il aurait pu en être question ensuite, mais nous aborderons plutôt la salaison, autre procédé de conservation des viandes sous l’Ancien Régime, qui manifestement attise les convoitises. Mon royaume pour un jambon !
Pas de nourriture en salle de lecture des Archives. Pas de public non plus. Du moins pour l’instant, car elle ne rouvrira qu’en août après plusieurs semaines de travaux de mise aux normes.
En parlant de normes, il faut croire que la sculpture de la « Victoire » ornant le Monument à la Gloire des Combattants de la Haute-Garonne était singulièrement hors du canon esthétique de l’époque tant elle fut qualifiée de « navet agressif » par ses détracteurs. Je propose d’ajouter aussi « salsifis rageur » et « topinambour violent » à la gamme des peu clairvoyants critiques de salon des années 1920.
Quittons donc ces pièces feutrées, pour remonter le temps vers la médiévale Salle-Neuve du Château Narbonnais de Toulouse, siège du pouvoir comtal et, plus loin encore, dans les tréfonds du mythique Salon noir de Niaux. Notez qu’à la différence de sa cousine de Lascaux, cette dernière grotte pariétale n’a pas été répliquée.
Ce n’est pas le cas de notre salle de lecture qui a été en partie virtualisée, permettant ainsi d’effectuer une partie de ses recherches en ligne. A bon entendeur, salé !
Jeunes à moto, 3 juillet 1974. André Cros - Mairie de Toulouse, Archives municipales, 53Fi5262.

Mes gâtés…


juin 2023

Nul besoin d’être attifé comme un rappeur marseillais pour vous témoigner de l’affection. Je ne porte ni barbe, ni queue de cheval, ni boucles d’oreilles, je fais encore moins des roues arrière avec ma moto et ma belle sur le Vieux-Port, et pourtant, j’aime à vous appeler mes gâtés. Car vous, les Arcaniens et Arcaniennes, êtes vraiment vernis. Il n’est qu’à lire le nouveau numéro d’Arcanes pour s’en convaincre.

Tout commence par un accident. Le « big bang » d’un tramway qui, par un fatal enchaînement, finit dans le canal du Midi. Il s’est pris pour une péniche ou quoi ? Vous pouvez rire mais, quelques années plus tard, des esprits éclairés songèrent à transformer ledit canal, non pas en voie ferrée, mais en autoroute.

C’est un autre chemin que va emprunter Louis-Paul-Raymond-Toulouse, celui du crime. Ce blouson doré de la première moitié du 18e siècle va ainsi décevoir tous les espoirs qui avaient été placés en lui. Fréquentant des clubs de jeux clandestins, il n’hésite pas tricher au point d’être qualifié d’espion par ses partenaires.

D’espionnage, il n’en sera bizarrement pas question avec le CIA, car il s’agit ici du Conseil International des Archives, et non des services secrets américains. C’est décevant mais, si vous étiez bibliothécaire, votre instance internationale s’appellerait l’IFLA - et ça ne fait même pas rêver.

Que cela ne vous empêche pas de vous rendre, bras-dessus bras-dessous avec vos collègues de la lecture publique, aux festivités de la rue de Metz, les 24 et 25 juin prochains. Vous pourrez y trouver des informations sur l’histoire et le devenir de cette voie actuellement en travaux.

Une autre sorte de chantier est le visage de Socrate, si l’on en croit les représentations parvenues jusqu’à nous, telle une sculpture du musée Saint-Raymond. A tel point que des mauvaises langues affirmaient que son goût pour les jeunes éphèbes l’avait fait qualifier par ces derniers de « papa-gâteau pas pas gâté ». Mais je n’en crois rien.

En revanche, j’ai toute confiance dans la politique de numérisation des Archives qui permet de préserver les collections et de rendre les fonds accessibles au plus grand nombre. Ainsi, chaque année, les documents généralement les plus demandés sont digitalisés et mis en ligne sur notre site. C’est le cas des registres d’état civil de l’année 1921 que vous pouvez désormais consulter de chez vous. Gâtés que vous êtes !

Affiche du concours régional agricole de Toulouse, 1964, offset, 60 x 40 cm. Roger Seguin - Mairie de Toulouse, Archives municipales, 12Fi2814

De fruit et de saveur


mai 2023

Avec le temps des cerises vient aussi le nouveau numéro d’Arcanes, embrassant une thématique éminemment saisonnière. À l’instar des pies et autres merles, nous pourrons donc picorer ici et là dans des articles tous plus alléchants les uns que les autres.
Il est amusant de constater qu’en France nous avons le téléphone arabe alors que les États-Unis ont un « grapevine telegraph », nettement plus fruité. Sachant cela, le tube « I heard it through the grapevine » devient nettement plus compréhensible. Marvin Gaye entend dire des choses, mais ce ne sont pas les grappes de raisins qui lui parlent. Elles ont néanmoins beaucoup parlé à Jean Dieuzaide qui les a photographiées, notamment leur cueillette, et plus largement, s’est intéressé aux gestes ancestraux du monde rural.
On peut d’ailleurs se demander comment nos ancêtres faisaient pour survivre aux banquets gargantuesques, tel celui donné par les Capitouls le 28 mai 1770. Il paraît qu’en ces temps, on prouvait sa puissance en présentant les produits les plus frais. En revanche, il était très mal vu de les manger, et les plats repartaient à peine entamés. Il existait ainsi un fort commerce de revente des reliefs de ces agapes.
Toutefois, que cela ne vous empêche pas de goûter à notre salade d’archives, à base de Derrida, Margel et Chabin. Elle est riche de concepts éclairants et d’idées séminales, mais pas toujours très digeste. Un peu de sport ne vous fera aucun mal.
Pourquoi ne pas alors arpenter la rue de la Pomme, qui tient son nom fruitier de la salle de jeu de paume qui s’y trouvait. Outre cet ancien terrain de tennis sans raquettes, elle recèle bien d’autres mystères, dont des décors énigmatiques et des fenêtres disparues.
C’est aussi pour faire revivre des vies disparues et oubliées que nous améliorons sans cesse notre base, pour rendre accessible le plus grand nombre de documents de nos fonds dans les meilleures conditions. Vous rêviez de connaître les histoires qui affolaient la noblesse française au 18e siècle ? Vous pouvez désormais y accéder chronologiquement à travers la correspondance de la marquise de Livry et de la présidente Dubourg : une nouvelle interface, fruit d’un travail collectif.

 

45 tours de André Montals, où figure « O Toulouse », composé par André Saint-Paul et Carolus, Disques Welson, 1959. Papo Paris - Mairie de Toulouse, Archives municipales, Z nc.

J’aime la galette…


avril 2023
Il paraît que les meilleures galettes sont celles avec du beurre dedans. C’est probable, mais pour moi, ce sont celles dans lesquelles il y a surtout du vinyle. Car je suis, depuis mes 16 ans, un chasseur de 33 tours, un chineur d’acétates, un « digger » de 45. Bref, je collectionne les vinyles. Vous pouvez imaginer ma joie en découvrant le thème du 141 e Arcanes.

Il nous emmène d’abord dans le Toulouse des années 1920 à 1960 où s’épanouit une florissante scène jazz, heureusement immortalisée par plusieurs photographes, dont Jean Dieuzaide. Notez, au passage, que le premier disque de rock français fut enregistré en 1956 par un artiste toulousain issu de ladite scène, Jean-Baptiste Reilles, alias Mac Kac.

Son surnom lui a, paraît-il, été donné à l’école de Saint-Cyprien où il était chahuteur en chef. Et de vacarme et tintamarre, il en sera question dans les procédures d'Ancien Régime où, lors d’une cérémonie, des chants religieux prennent progressivement des accents profanes, voire grivois.

Des accents du terroir, on peut en entendre sur les vinyles que nous conservons dans nos fonds. Je pense particulièrement à ce 45 tours où le maire de Toulouse de 1965, Louis Bazerque, chante La Toulousaine de Deffès et Mengaud : « Ô Moun Païs, Ô Toulouso ».

Même si ces paroles, chipées par Nougaro, nous font chaud au cœur, il ne faut pas être chauvin ni oublier les autres communes environnantes qui composent l’actuelle métropole. Au premier rang desquelles, Lespinasse et Saint-Orens, qui viennent de faire leur entrée dans Urbanhist. Vous y trouverez des notices sur de nombreux édifices. Rien encore sur des sites préhistoriques. Mais qui sait ?

Probablement l’abbé Henri Breuil, qui en connaissait un rayon en matière de préhistoire. Et miracle ! Il existe un enregistrement sur acétate où l’éminent savant partage sa science. Honoré par ses pairs, il a même reçu de nombreuses distinctions au cours de sa carrière, dont la Society of Antiquaries of London’s Gold Medal.

Et de gold medal à Goldfinger, il n’y a qu’un pas, que nous nous proposons de franchir dans un exercice d’archéologie musicale que n’aurait pas renié le bon abbé. Sous des milliers de strates de vinyles accumulés depuis les années 1980, il y a un filon toulousain qui brille…
Salle Edouard-Filhol du Muséum d’histoire naturelle de Toulouse, vers 1920. Augustin Pujol - Mairie de Toulouse, Archives municipales, 9Fi7059.

Que d’os, que d’os !


mars 2023
Tel un explorateur découvrant le mythique cimetière des éléphants, je ne peux que paraphraser Patrice de Mac Mahon pour exprimer, non pas ma stupeur, mais mon émerveillement à la lecture des chroniques de ce 140 e numéro d’Arcanes.
D’émerveillement et d’exclamation, il en est question pour les archivistes qui travaillent quotidiennement à la description des images de nos fonds iconographiques. Qu’elles représentent des monuments disparus, un point de vue intéressant ou même un individu singulier, pour ne pas dire un drôle d’oiseau, elles nous mettent régulièrement des étoiles dans les yeux.
A propos de volatiles, nous causerons ensuite oiseleurs, canaris, chardonnerets et autres serins sous l’Ancien Régime. Les amateurs de beaux plumages et de chant mélodieux seront ravis. Pour ma part j’ai un faible pour le « coin coin » du canard et son œil si parfaitement placé qui en fait – pour citer un grand cinéaste – « l’un des plus beaux animaux ».
On sait que les congénères de Donald Duck apprécient proverbialement l’eau, mais ce n’est pas du tout le cas des archives. Et si elles sont sévèrement endommagées lors d’une inondation, il n’y a souvent d’autre solution que la congélation. Mais pour pouvoir retrouver leur état initial, elles doivent subir une phase de déshydratation qui peut s’avérer parfois périlleuse pour leur état.
Il faut croire que certains nos ancêtres craignaient aussi d’être déshydratés tant ils firent bâtir des puits dans leur lieu d’habitation. Près de 78 ont été inventoriés dans des demeures toulousaines, un article récent en étudie la répartition, les modalités de puisage et de construction.
D’ailleurs, on pourra signaler que, dans le secteur du bâtiment, les anciens étaient éco-responsables avant l’heure en pratiquant la réutilisation de matériaux. C’est ainsi que l’on a retrouvé dans les murs de l’église du village pyrénéen d’Oô – bien connu des cruciverbistes – une pierre sculptée représentant une scène fort peu catholique.
Sur le territoire de cette commune se trouve le lac glaciaire éponyme. De par son altitude - 1500 m - et la température de son eau, inférieure à 15°, il est peu propice à la baignade, à la différence des équipements nautiques de la ville de Toulouse. Ces derniers permettent de pratiquer toutes sortes d’activités allant du water-polo à la natation synchronisée. D’ailleurs il faut que j’arrête cette chronique parce que demain matin j’ai piscine.
Extrait d'inventaire judicaire de la succession du sieur Belloc, cahier faisant partie d'un registre factice d'inventaires de meubles, de papiers et autres dressés devant le commissaire au fait des inventaires, 1688. Marie de Toulouse, Archives municipales, FF 409, non folioté.

Vertiges


février 2023
Le thème de ce mois de février gravite autour du VER-VERT-VERRE sous toutes ses formes. On eut aimé vous présenter un numéro d'Arcanes entièrement composé de vers rimés ; las, on devra se contenter d'illustrer ce billet introductif par des galeries de vers dans un registre ancien dont le lent cheminement tortueux nous invite à parcourir ce numéro tant à l'endroit, qu'à l'envers.
Le verre médiéval exhumé par les archéologues se découvre sous des teintes vertes, certainement au grand dam des verriers de l'époque qui, visiblement, peinent à produire un verre transparent.
Quant au Vert-Galant, si en 1578 il n'en porte pas encore le titre et n'est d'ailleurs à cette époque que le roi de Navarre, il est attendu à Toulouse par Catherine de Médicis. Or, la reine ne voit rien venir, si ce n'est le soleil qui rougeoie et l'herbe qui verdoie. Et, verte de rage, elle doit finalement quitter la ville dans une colère noire, sans que l'entrevue tant attendue ait lieu.
Entre cette reine qui voit rouge, et le Vert-Galant au panache blanc, le spectre des couleurs nous amène subtilement à la photographie en couleur, domaine dans lequel le toulousain Jean Dieuzaide, maître du noir et blanc, s'est aussi illustré. S'il a peu travaillé sur plaque de verre et a utilisé majoritairement des pellicules celluloïd, sa longue carrière ne l'aura tout de même pas mené jusqu'à l'ère du numérique.
Ah ! C'est qu'on nous a vendu le tout numérique comme une vague verte, un hymne à l'écologie, qui allait rétablir l'équilibre de la planète. Mais voilà qu'on déchante, il n'en est rien, bien au contraire, et l'envers du décor se découvre désormais.
Au Château-Vert, si on ne conte pas fleurette sur un vert gazon, on s'adonne aux vertiges de l'amour tarifé. Mais tout a une fin, et ce très officiel bordel municipal, où il s'en passe des vertes et des pas mûres, va fermer ses portes au milieu du 16 e siècle, victime d'une révolution des mœurs (une crise de vertu probablement).
La fin se joue à pile ou face : les sceaux anciens ont un endroit et un envers, mais pour briller en société – oui, on croise parfois des spécialistes de sigillographie dans les réceptions pincées – il vous faudra utiliser les termes d'avers et de revers sous peine de passer pour un sombre ignorant.