ARCANES, la lettre

Sous les pavés


Chaque mois, l'équipe des Archives s'exerce à traiter un sujet à partir de documents d'archive ou de ressources en ligne. Retrouvez ici une petite compilation des articles de la rubrique "Sous les pavés", dédiée à l'archéologie.

SOUS LES PAVÉS


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Portraits des capitouls et tour occidentale du pont de la Daurade, anonyme, Chronique 132, 1437-1438, Annales manuscrites de la Ville de Toulouse, 1er Livre des Histoires, 1352-1516. Mairie de Toulouse, Archives municipales, BB273.

On nous raconte des histoires


avril 2024

Sous l’Ancien Régime, la commune de Toulouse publiait ce que l’on a maintenant l’habitude d’appeler des "Annales", pour immortaliser les actions les plus remarquables de l’administration de l’année passée. Mais, quand on consulte ces manuscrits, on s’aperçoit que les titres originels de ces chroniques annuelles utilisent plutôt le terme "Histoires". On les embellissait aussi avec des enluminures où les archéologues peuvent faire quelquefois leur marché. Pour exemple, nous présentons ici l’illustration montrant une tour qui défendait l’ancien pont de la Daurade, rebâtie durant l’exercice 1437-1438. Image précieuse car, même si la pile qui la supportait existe encore, cette tour fut rasée en 1734. Malheureusement, beaucoup de ces enluminures ont été détruites lors d’un autodafé pendant la Révolution. On sait d’ailleurs qu’on perdit à cette occasion la représentation de l’écroulement du Pont Vieux en 1485, qui aurait pu constituer un témoignage exceptionnel sur cette structure mal connue.

Les textes mêmes de ces "Livres des Histoires" abondent évidemment d’indications utiles pour reconstituer Toulouse disparu. Il faut toutefois rester prudent. Ces bilans étaient rédigés par un administrateur dont on peut se douter qu’il avait été témoin d’une partie des évènements qu’il décrivait. Et pour le reste, il pouvait s’appuyer sur les procès-verbaux des délibérations des conseils municipaux. Mais la synthèse conduit parfois à des approximations. Les Annales nous apprennent, par exemple, que l’on construisit un nouveau pont, dit de Clary, en 1613. Jeté sur la Garonne entre l’île de Tounis et le quartier Saint-Cyprien, elles nous disent aussi qu’on acheta la maison du teinturier Guillaume Pinel que l’on démolit pour aménager l’entrée du pont. Démolie ? Pas si sûr, en tout cas pas tant que ça. Si l’historien se plonge dans les archives les plus précises dont il dispose, c’est-à-dire les devis de travaux, il comprendra alors que, si le rez-de-chaussée de la maison fut bien dégagé pour servir de passage, ses deux étages furent néanmoins laissés en place. L’archéologue pourra ainsi, au lieu d’indiquer faussement que la maison Pinel fut détruite en 1613, nous apprendre que l’on inventa, cette année-là à Toulouse, un nouveau concept architectural : la maison-pont.

Grenouille sculptée dans un bénitier de l’église Saint-Paul de Narbonne, photographie Frédéric Vialelle, Direction du Patrimoine de Toulouse Métropole.

Fouille à la grenouille


mars 2024
Les Égyptiens ont produit, durant l’Antiquité, des lampes en terre cuite représentant une grenouille et l’une d’elles a été retrouvée à Bordeaux vers 1910. Elles restent malgré tout rares en Europe et aucune des fouilles effectuées jusqu’à présent à Toulouse n’a apparemment révélé ce type d’objet. Néanmoins, une petite grenouille en bronze, servant de pendentif, fut recueillie lors de recherches sur le site gaulois de Vieille-Toulouse.

Un archéologue médiéviste ou moderniste aura, quant à lui, peut-être tendance à rechercher des grenouilles dans les bénitiers d’église, influencé par la proverbiale expression. Mais il faut avouer qu’à Toulouse, ni même aux alentours, la pêche ne sera pas bonne. Il faudra qu’il explore le département voisin de l’Aude pour enfin trouver, dans l’église Saint-Paul de Narbonne, le joli batracien taillé dans le marbre dont nous présentons une photographie. Il pourrait d’ailleurs en trouver d’autres tout près de là, à l’abbaye de Fontfroide, ou plus loin dans les Corbières, dans l’église de Montjoi. Mais si vous tenez absolument à dégoter un amphibien toulousain, on peut vous suggérer d’aller examiner, au musée des Augustins, un chapiteau provenant de la Daurade qui représente l’histoire de Job. Le diable qui y est sculpté a quelquefois été décrit comme ayant les traits d’un crapaud. Mais c’est assez subjectif, comparé à la rainette narbonnaise.
Inscription funéraire romaine trouvée au quartier du Férétra à Toulouse, Lavalée graveur, publiée en 1782 par Jean-François de Montégut dans le premier tome de "l'Histoire et Mémoires de l'Académie royale des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse".

Férétra(ïque) : fête et antique


février 2024
Comme chaque année, va se dérouler, au mois de juillet, le grand Fénétra, manifestation dédiée aux danses et musiques traditionnelles. Cet évènement est l'écho d'anciennes fêtes religieuses dont l'origine se trouverait au quartier du Férétra, à la sortie sud de Toulouse. Vous remarquerez que la graphie est un peu flottante, d'autant plus que l'on trouve aussi au Moyen Âge les variantes Félétra ou Falétra. Mais c'est surtout la forme Férétra qui a intéressé les érudits car, en la comparant avec le mot latin feretrum, qui désigne un lit mortuaire, ils ont pu imaginer un pedigree antique, sous la forme de cérémonies en l'honneur des morts.
Ce fut l'hypothèse de Jean-François de Montégut qui, en 1782, présenta comme preuve la découverte d'une inscription funéraire romaine dans ce quartier, dont nous vous présentons le dessin. Ainsi ces fêtes « férétraïques » témoigneraient de la présence d'une nécropole durant l'Antiquité. Ceci n'a d'ailleurs rien d'étonnant : les villes romaines implantaient leurs cimetières dans leur proche banlieue, notamment le long des routes.
Chapiteau représentant l’histoire de Job provenant de la Daurade à Toulouse, H. Révoil dessinateur et A. Guillaumot graveur, publié en 1873 dans le troisième tome de l’Architecture romane du midi de la France.

Les archéologues toulousains ont deux Jobs


janvier 2024
Non, il ne s’agit pas ici de dire que le travail d’archéologue est si précaire qu’il en faudrait prendre un second job pour survivre. Pourtant nombre de ceux qui exercent cette profession pourraient témoigner que l’on commence souvent sa carrière de façon chaotique. Entre institut public et entreprises privées, entre université et musées, il faut souvent enchaîner incommodément les missions avant d’obtenir, comme Job après ses épreuves, la divine reconnaissance : un CDI…

En fait, c’est bien Job, le personnage biblique, que nous voulons évoquer. Nous avons la chance, à Toulouse, de pouvoir étudier deux chapiteaux romans représentant son histoire, conservés au musée des Augustins. Le plus beau, dont nous présentons une illustration, a été récupéré lors de la démolition du cloître de la Daurade au début du 19e siècle. L’autre, incomplet, présente une déclinaison identique mais plus fruste du décor du précédent. Sa provenance est problématique bien que l’inventaire actuel du musée indique la cathédrale Saint-Étienne, d’après le catalogue Rachou de 1912. Henri Rachou disait retenir cette origine d’après la Société archéologique du midi de la France, donatrice de cet objet. Or, quand cette société l’a elle-même récupéré en 1887, c’est l’abbaye Saint-Sernin qui avait été évoquée. Donc Rachou a manifestement commis un lapsus entre ces deux églises toulousaines.

Objectivement, personne ne pouvait vraiment savoir d’où il venait car il avait été retrouvé sans pedigree dans les locaux de l’Institut catholique, alors que sa forme rectangulaire indiquait qu’il avait été retaillé pour servir de simple moellon. Néanmoins si Saint-Sernin n’était qu’une spéculation, on peut deviner son inspiration : on avait aussi précédemment découvert à l’Institut, en remploi dans des constructions, des pierres tombales qui provenaient bien de cette abbaye. De là à supposer que tous ces matériaux de récupération avaient une même origine… Il faut noter que l’historien Jules de Lahondès proposa de son côté, sur l’argument de la forme, une même provenance de la Daurade pour ces deux chapiteaux.
Substructions antiques découvertes près de la chapelle Saint-Roch des Récollets à Toulouse, relevé par Pierre Fort, 30 mars 1954, Mairie de Toulouse, Archives municipales, fonds Pierre Salies.

Archival Toto, Archéo Total


décembre 2023

Il suffira d'attendre assez longtemps… et nos objets quotidiens finiront dans un musée… et nos journées ordinaires seront analysées par des historiens. On peut imaginer, dans quelques centaines d'années, une unité de recherche universitaire baptisée « Archival Toto » (car l'humanité ne parlera alors qu'en anglais), chargée de documenter les étranges faits et gestes d'un certain petit groupe d'individus ayant parcouru la planète à la fin du 20e et au début du 21e siècle. Ils découvriront alors peut-être, dans les archives municipales de Toulouse, des images de cette tribu migratrice, nommée « Toto », animant une étrange cérémonie, appelée « concert », le soir du 30 mars 1999 à Toulouse. Et à partir d'une photographie, dont vous trouverez la reproduction dans une autre rubrique de ce numéro d'Arcanes, ils s'interrogeront probablement sur la signification cultuelle des éclairages ou tenteront de reconstituer des instruments de musique oubliés.

Si nous abandonnons le collectif Toto pour nous intéresser au singulier Total, ce grand groupe énergétique français a publié, dans les années 1970-1980, une revue intitulée « Caesarodunum ». Souvent sous-titrée « Total Archéologie », son fascicule de l'automne 1980, intitulé « Les 100 villes qui ont fait l'Occident », contient un article sur Toulouse par Pierre Salies et Georges Baccrabère. L'un de ses principaux intérêts était de dévoiler le dessin de substructions antiques découvertes en 1954, près de la chapelle Saint-Roch des Récollets, lors du creusement d'une tranchée dans la rue. Mieux encore que le croquis publié, nous pouvons vous présenter aujourd'hui le relevé original, maintenant conservé aux Archives municipales.

Journée portes ouvertes sur le chantier archéologique de l’hôpital Larrey à Toulouse, 11 décembre 1988. Reportage photographique de la Direction de la Communication - Mairie de Toulouse, Archives municipales, 15Fi5933/2.

Anciennes visites, dernière visite


novembre 2023
Les archéologues médiévistes ou modernistes apprécient tout particulièrement la lecture des anciennes visites pastorales. Ce sont les comptes rendus des inspections faites régulièrement par les évêchés dans les paroisses. On y notait l’état des églises et des cimetières, ainsi que du mobilier utilisé par le curé, et on indiquait ce qui devait être amélioré. Même les chapelles privées étaient examinées. C’est ainsi que, lors d’une étude menée par le service archéologique de Toulouse Métropole à Beaupuy, on a relevé que le seigneur du lieu avait possédé sa propre chapelle à côté de son château, tous les deux maintenant disparus. Et plus récemment, à l’occasion de la révision de la carte archéologique de Saint-Orens-de-Gameville, les visites ont permis de recenser des oratoires avec leur autel domestique chez plusieurs habitants du 18e siècle, structures qu’il aurait été bien difficile de repérer autrement.

Mais les archéologues organisent aussi leurs propres visites. Il s’agit de journées portes ouvertes qui permettent au public de visiter leur chantier en cours de fouille. À Toulouse, on pratique ce type de médiation depuis les années 80 comme le montre la photographie que nous présentons. Nous sommes le 11 décembre 1988 sur le site de l’ancien hôpital militaire Larrey et nous pouvons y apercevoir les ruines d’un bâtiment des 5e-6e siècles de notre ère. L’occasion n’était pas à manquer car il s’agissait là d’une dernière visite. En effet, ces vestiges, identifiés comme le palais des rois wisigothiques de Toulouse, ont laissé peu après la place à un projet immobilier.
Double tournois de Louis XIII découvert dans un sarcophage de l’enfeu des Comtes à la basilique Saint-Sernin de Toulouse, photographie Marc Comelongue, Direction du Patrimoine de Toulouse Métropole.

Sus à l’intrus : Louis XIII chez les comtes de Toulouse


octobre 2023
Les archéologues n’aiment pas trop les intrus. Tout d’abord ceux qui s’introduisent sur leurs chantiers pour dérober ou dégrader du mobilier. C’est déjà arrivé à Toulouse, notamment lors de fouilles de cimetières anciens à la halle aux grains en 1999-2000 ou dans la rue des Trente-Six-Ponts en 2014 où des sépultures ont été vandalisées. Et puis il y a les intrus qu’ils découvrent dans les couches archéologiques. En général, c’est un objet plus ancien que le milieu où il se trouve. On comprend alors sans difficulté qu’il y a pu avoir un mélange : un habitant du Moyen Âge a pu, par exemple, en creusant dans son jardin, déterrer une monnaie antique et la transplanter dans son espace chronologique.

Par contre, c’est quelquefois un objet plus récent qui perturbe la datation d’un ensemble et il est difficile d’expliquer sa présence. Récemment, le service archéologique de Toulouse Métropole a fouillé à Toulouse, sous la direction de Bastien Lefebvre, l’un des sarcophages de l’enfeu qui se trouve à l’extérieur de l’église Saint-Sernin. Réputé contenir les restes des comtes médiévaux de Toulouse, on eut la surprise de découvrir dans ce tombeau une monnaie de Louis XIII, plus précisément un double tournois des années 1620 dont nous présentons une photographie, accompagné d’ailleurs de tessons de poteries d’époque moderne. Nous passerons sur l’ironie de voir, à côté des ossements des comtes, des fleurs de lys, emblème des rois de France qui ont justement mis fin à la dynastie comtale au XIIIe siècle. Alors, que s’est-il passé ? On pourrait presque imaginer quelqu’un balayant autour de la basilique vers 1700 qui, ne sachant pas trop quoi faire des déchets qu’il a ramassés, aurait soulevé le couvercle du sarcophage pour l’utiliser comme une simple benne à ordures…
Affiche touristique pour la grotte du Mas-d’Azil, illustrateur Amable Eugène Benoist, vers 1940, documentation Marc Comelongue.

Tourisme à l'Amable


septembre 2023

Toulouse possède quelques sites archéologiques et touristiques. Gérés pour la plupart par le musée Saint-Raymond, le plus connu est l’amphithéâtre romain de Purpan où des visites guidées sont organisées depuis des décennies. Quoi de plus normal, d’ailleurs, que de voir des touristes dans un édifice construit originellement pour le spectacle.
Nous aurions pu alors vous présenter le programme d’ouverture de 1996 que nous possédons dans nos papiers mais, celui-ci étant une photocopie assez simple, nous préférons vous montrer un document un peu plus attrayant.

Il s’agit d’une publicité concernant la grotte ariégeoise du Mas-d’Azil. Site préhistorique célèbre depuis la fin du XIXe siècle, elle fut aménagée touristiquement à la fin des années 1930 par Joseph Mandement. Notre affiche elle-même date de vers 1940, année où Mandement a commencé à utiliser la même illustration dans sa correspondance. Mais ne sommes-nous pas un peu loin de Toulouse ? Pas tant que ça…
Regardez la signature du dessin et vous lirez « B. Amable ».
C’est celle du peintre Amable Eugène Benoist de Saint-Ange qui fut le décorateur du théâtre du Capitole dans les années 1920. La ville de Toulouse l’a d’ailleurs honoré à ce titre en baptisant de son nom une nouvelle rue en 2004.

Dessins préhistoriques du Salon Noir de la grotte de Niaux, tirage papier noir et blanc, auteur et date de la photographie inconnus, documentation Marc Comelongue.

Vieilles Salles et sombre Salon


juillet-août 2023
Si nous avons l’habitude d’orthographier « salle » en mode mineur, comme salle de bains ou salle de sport, ce terme avait un peu plus de prestige au Moyen Âge. Quand on construisit à Toulouse, au XIVe siècle, une nouvelle bâtisse au Château Narbonnais, devenu ensuite le Parlement et qui se trouvait à l’emplacement du palais de justice actuel, on la nomma respectueusement Salle-Neuve. De plus en Gascogne rurale, de nombreux châteaux et manoirs sont aussi dénommés « Salle ». Mais cela intéresse essentiellement les médiévistes.
D’autres archéologues sont aussi concernés : les préhistoriens spécialistes d’art pariétal. En effet, ils étudient surtout des grottes dont les salles sont des repères essentiels, à l’instar de la Salle du Sanctuaire de la grotte des Trois-Frères en Ariège. Ils peuvent d’ailleurs trouver dans ce département un lieu d’étude encore plus confortable : un salon ! C’est le célèbre Salon Noir de Niaux avec ses dessins magdaléniens de chevaux, de bouquetins et de bisons dont nous présentons une photographie.
Portrait de Socrate et autel antique orné d’un visage de silène conservés au musée Saint-Raymond de Toulouse, Mairie de Toulouse, Archives municipales, cartes postales, 9Fi3889 (extrait), photographie Philippe Folliot et 9Fi3928 (extrait), photographie Jacques Glories.

Pas gâté par la nature : si laid ou silène ?


juin 2023
Les portraits sculptés grecs et romains sont souvent si beaux que l’on peut quelquefois soupçonner leurs auteurs d’avoir embelli les visages de leurs modèles. Pourtant il en est un qui semble tellement avoir été si peu gâté par la nature que les artistes n’ont pas su l’enjoliver. Il s’agit du philosophe Socrate. Sa laideur était d’ailleurs proverbiale, au point que ses contemporains ont pu le comparer aux silènes, êtres monstrueux de la mythologie antique.
Deux sculptures conservées au musée Saint-Raymond de Toulouse vont nous permettre de faire la comparaison. L’une est un buste de Socrate d’origine inconnue, et l’autre un autel romain découvert en 1862 près de la cathédrale Saint-Etienne à Toulouse. Ce dernier est orné de visages dont un, celui d’un silène barbu, peut se rapprocher de celui du moche penseur : mêmes barbe, front dégarni et traits disgracieux. Pourtant un détail vous permettra de faire la différence : le silène a les oreilles pointues. Socrate non, il n’aurait plus manqué que ça.
Imposte en fer forgé du XVIIe siècle disparue sans laisser d’adresse précise dans la rue de la Pomme, publiée dans la Revue générale de l’Architecture et des Travaux publics de 1879.

Pomme sans fruits


mai 2023
Les investigations menées pour la carte archéologique de Toulouse Métropole ont pour but de recenser des vestiges très anciens mais aussi des éléments beaucoup plus récents, modernes ou contemporains. Toutefois ces derniers doivent répondre à deux conditions : avoir disparu mais néanmoins pouvoir être décrits par une illustration ou un texte. De plus, on espère toujours retrouver précisément leur ancien emplacement. Mais cela n’est pas toujours possible.
C’est le cas dans la rue de la Pomme où, pour deux fenêtres à meneaux du XVIe siècle et une belle imposte en fer forgé du XVIIe siècle publiées et illustrées dans les années 1860-1870, les tentatives de relocalisation exacte ont été infructueuses. Cette pomme nous laisse donc avec trois fruits défendus pour la cartographie du patrimoine toulousain, disparus sans laisser d’adresse.
Disque d’interview de l’abbé Breuil par le docteur Sahly : à gauche étiquette du vinyle, à droite couverture du livret d’accompagnement, infographie Marc Comelongue, Direction du Patrimoine, Toulouse Métropole.

Le disque en archéologie, l’archéologie en disque


avril 2023
Il est fort probable que tout archéologue entendant le mot « disque » pensera immédiatement au Discobole, célèbre statue sculptée au Ve siècle av. J.-C. par le grec Myron. De nombreuses copies en furent produites durant l’Antiquité et le musée Saint-Raymond de Toulouse possède d’ailleurs l’une d’entre elles, découverte à Carcassonne au XVIIIe siècle. Malheureusement elle est incomplète. Pas de bras, donc pas de main et par conséquent pas de disque pour illustrer notre chronique.
Je vous propose donc, plutôt que de chercher le disque en archéologie, de tenter de trouver de l’archéologie en disque. Il faut pour cela se transporter à Rieumes, à une quarantaine de kilomètres au sud-ouest de Toulouse, chez le docteur Ali Sahly. Ce chercheur, qui avait su allier sa formation de médecin à sa passion de la préhistoire en étudiant les mains peintes de la grotte de Gargas, était un grand ami du célèbre préhistorien, l’abbé Breuil, qu’il hébergeait régulièrement. Lors d’un de ces séjours, en août 1960, A. Sahly eut la bonne idée d’interroger Breuil sur l’art préhistorique et de l’enregistrer. Un an plus tard, le 14 août 1961, l’abbé décédait. Le docteur Sahly publia alors, en hommage, cet enregistrement sous la forme d’un disque vinyle 33 tours. Cette rareté discographique témoigne que l’abbé avait gardé, dans ses quatre-vingtièmes années, esprit alerte et parole limpide. Ceux qui connaissent l’écriture quasi indéchiffrable qu’il produisait à la fin de sa vie auraient pu en douter. Il faut noter qu’un livret contenant la transcription de l’interview accompagnait aussi le disque.
Bas-relief d’Oô conservé au musée des Augustins de Toulouse, photographie publiée dans le Bulletin municipal de la Ville de Toulouse de Juin-Juillet 1940.

Histoire d'Oô


mars 2023

Oô. C’est ce que les visiteurs ont pu lire sur le cartel du bas-relief que nous présentons, quand il a intégré le musée de Toulouse en 1820. Car c’est dans les murs de l’église du village pyrénéen d’Oô qu’il avait été découvert. Drôle de nom qui se réfère à l’eau, puisque oô signifierait lac d’après les toponymistes. C’est d’ailleurs sur le territoire de cette commune que se trouve le lac d’Oô, l’un des sites les plus connus des Pyrénées.

Oh ! C’est ce qui a pu résulter d’une étude plus attentive de cette sculpture. Son sujet est effectivement surprenant : une femme nue avec un serpent qui, sortant de son sexe, vient s’allaiter à son sein. On a évidemment d’abord pensé à une divinité bizarre sortant du fond des âges, mais on a ensuite compris qu’il s’agissait probablement d’une production médiévale ou moderne. Dans ces communautés montagnardes qui n’avaient pas les moyens d’engager de véritables artistes, on pouvait alors s’improviser sculpteur ou peintre en toute naïveté. Mais pour raconter quelle histoire ? Une obscure légende locale ? Ou bien une péripétie trop grivoise de la relation d’Ève avec le Serpent qu’on aurait écarté du récit biblique ? Il serait, en effet, étonnant de retrouver l’histoire d’Oô dans la Bible.

Fragments de verre médiéval à décor de filets verts, découverts dans les Pyrénées au sud de Toulouse, photographie Marc Comelongue, Direction du Patrimoine de Toulouse Métropole.

Vers le vert sur verre


février 2023

Au bas Moyen Âge, la fabrication de verre était déjà bien standardisée et l’on pouvait retrouver les mêmes productions dans tout le sud de la France. Notamment de beaux récipients à parois très fines et translucides, ornés de filets bleus, dont plusieurs exemplaires ont été découverts à Toulouse. On rencontre aussi pourtant dans les fouilles de notre région des artéfacts de même type, mais cette fois-ci décorés de filets verts. Alors que s’est-il passé ?

Comme on peut le remarquer sur les fragments que nous avons photographiés, certains verriers médiévaux avaient du mal à obtenir une transparence parfaite et leur produit gardait une légère teinte verdâtre, pratiquement imperceptible tant que le verre restait fin. Mais dès qu’on l’épaississait, en posant des filets par exemple, la couleur verte se révélait franchement. Du coup, il devenait aléatoire de teinter en bleu une matière qui était déjà d’une autre coloration. Ces verriers abandonnèrent alors les décors bleus, économisant d’ailleurs ainsi l’achat du cobalt qui servait à les fabriquer. La contrepartie de cette mutation vers le vert sur verre étant des produits assurément moins attrayants.

Procès-verbal de découverte de la première pierre du monument à Goudouli, 12 mai 1922, dans Travaux publics et voirie. - Fonctionnement : registre de copies de lettres et rapports. Archives municipales de Toulouse, ING 181, pièce n° 265

"Savez-vous où se trouve le monument supportant la statue du poète toulousain Goudouli ?


juin 2014

- Oui, bien sûr ! Au centre de la place Wilson, au milieu d'une belle fontaine.

- Mais n'avait-il pas été prévu de l'ériger initialement sur l'ancienne place Matabiau, l'actuelle place Jeanne-d'Arc ?

- C'est exact ! Mais ce premier projet n'a jamais vu le jour.

- Il s'en est quand même fallu de peu car la première pierre a bien été posée sur la place Matabiau, un certain mercredi 9 août 1898 à 3 heures de l'après-midi, dans le cadre des festivités organisées autour des Cadets de Gascogne.

- Et vous avez des preuves de ça ?

- Oui ! Il suffit de consulter le numéro de l'Express du Midi daté du lendemain sur le site de la Bibliothèque municipale de Toulouse. Et puis aux Archives municipales vous trouverez le récit de la redécouverte quasi-archéologique de cette pierre ! »
 
En effet, l'Ingénieur de la Ville témoigne que la première pierre du monument de Goudouli a bien été retrouvée et descellée le 12 mai 1922, à 10 heures du matin, sur la place Matabiau. Elle contenait un nœud de ruban tricolore et des débris de parchemin illisibles, mais, au grand regret de l'Ingénieur, « contrairement à la légende, il n'existait aucune pièce de monnaie dans cette pierre »… Pas très poétique comme préoccupation...