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La passerelle des soupirs

Passerelle des Soupirs, 2010. Phot. Friquart, Louise-Emmanuelle ; Krispin, Laure (c) Ville de Toulouse ; (c) Inventaire général Région Occitanie, IVC31555_20103100721NUCA.

La passerelle des soupirs


décembre 2020

Soupirs de douleur poussés par l’amant éconduit. Soupirs d’ennui face à une conversation qui s’étire. Soupirs de plaisir après une légère ivresse qui fait danser les ombres. Soupirs de fatigue quand le monde vous tombe dessus. Soupirs de dépit devant le téléphone qui sonne dans le vide. Soupirs des condamnés qui voient Venise pour la dernière fois.

Le pont, ou plutôt la passerelle dont il est question ici, ne conduit pas à une prison, mais relie les quartiers du Busca et de la Côte Pavée à Toulouse en passant au-dessus du canal du Midi, dans le prolongement de l’allée des Soupirs au Grand-Rond.

La construction du canal, à la fin du 17e siècle, permet effectivement de raccorder la Méditerranée à la Garonne, Sète à Toulouse, mais il créé une séparation entre les quartiers situés au nord-est de la commune et le centre de la cité. En 1674, six ponts l'enjambent : ceux des Minimes, de Matabiau, de Guilheméry, de Montaudran, des Demoiselles, ainsi que celui du Petit Gragnague, disparu au moment de la construction des Ponts-Jumeaux. En raison de l'urbanisation des faubourgs, de nouveaux ponts et passerelles sont édifiés au cours des 19e et 20e siècles, amenant le nombre de ces ouvrages de franchissement à 24.

C’est l’entreprise parisienne de François Hennebique, auteur d’un système constructif et commercial révolutionnaire dans le domaine du béton armé, qui remporte en 1900 l’adjudication pour la construction de la passerelle des Soupirs. Débutée en 1902, sa construction ne dure que quelques mois.

Vue d'ensemble de la passerelle des Soupirs en construction, cliché réalisé en amont de la passerelle depuis la rive gauche du canal du Midi. Photographie noir et blanc, 1902. Ville de Toulouse, Archives municipales, 1Fi10045.

Ouvrage d’art d’une grande technicité constitué d’un seul bloc de béton pour une portée de voûte de 42 mètres, il est formé de deux arcs parallèles espacés de 80 centimètres, recouverts d’une dalle allant d’1,50 mètres en son milieu à 2,90 mètres aux extrémités. Un escalier à deux volées adossées en permet l’accès à chacun des deux bouts. Réalisée au même moment que le pont de Châtellerault (Vienne), l’un des premiers ponts en béton armé dont la portée dépasse 100 mètres grâce à ses trois arches (et aujourd’hui classé au titre des monuments historiques) et deux ans avant la construction de la passerelle Mativa à Liège, ouvrage exceptionnel par la finesse de son tablier, avec seulement 35 cm d’épaisseur à la clé, la passerelle des soupirs est un des jalons importants de l’histoire de la construction en béton armé de la maison Hennebique.

L’origine de son nom n’est pas connue, mais quoi de mieux qu’un soupir pour exprimer le passage d’une rive à l’autre, ce souffle de l’âme trahissant nos émois ?