Depuis le Moyen Âge, des faux documents circulent au sein des lieux de pouvoirs. Ce sont soit des documents falsifiés, soit des documents créés de toute pièce. Ces derniers sont appelés forgeries, car leur vocation est de délibérément tromper le lecteur en modifiant, voire en créant un événement. L'historien Laurent Morelle estime que les deux tiers des actes des rois mérovingiens sont faux ou falsifiés. Au cours de l'histoire, de nombreux faux documents sont devenus célèbres : les fausses lettres de Marie-Antoinette dans l'affaire du collier de la Reine ; les photographies falsifiées en URSS ; les faux carnets d'Hitler par exemple. Si ces faux documents sont conservés, c'est parce qu'ils témoignent d'intentions de la part de leurs auteurs, et sont donc une source inestimable pour les historiens.
Au 17e siècle, la préoccupation de reconnaître les faux a donné naissance à une discipline permettant de critiquer les documents et de déterminer leur statut de vrai ou de faux.
Daniel van Papenbroeck, un jésuite hollandais, compare des sources littéraires avec les actes des rois mérovingiens et carolingiens pour vérifier des faits. Il déclare alors que des diplômes mérovingiens sont des faux et déclenche une polémique. Jean Mabillon, un moine bénédictin, est chargé par Colbert (ministre de Louis XIV et contrôleur des Finances) d'éclaircir cette affaire. Pour ce faire, il met sur pied une méthode d'analyse critique des documents. Il réunit le document déclaré comme faux ainsi qu'une collection de plus de 200 actes dont il va se servir comme outil de comparaison, s'intéressant aussi bien à la forme des documents qu'à leur contenu. Il définit ensuite un vocabulaire pour la description et la critique de son corpus. Le résultat de son étude est publié dans un traité : De re diplomatica (1681). La diplomatique est née.
La méthode de Mabillon consiste à analyser les caractères externes des actes : (matière du support, encre, forme de l'écriture, mise en page, ornementation des documents), ainsi que leurs caractères internes : les éléments d'identification (par exemple la suscription, soit l'identification de l'auteur ; la date du document), le corps de l'acte et ses clauses. Son analyse s'étend également aux mentions hors teneur : ce sont tous les éléments reportés sur l'acte qui vont donner des informations sur sa production, sa transmission et sa réception.
Arme contre le démon Titivillus, la diplomatique est une démarche qui permet d'analyser méthodiquement un document pour en déterminer la véracité. Elle est encore utilisée aujourd'hui, d'autant plus que le monde numérique est enclin à produire des faux.