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Du prêt à l’hôtel

Porte de l’hôtel de Bernuy, détail d’une gravure publiée dans Toulouse monumentale et pittoresque en 1842, dessinateur Perrin, graveur Achille Delor, Mairie de Toulouse, Archives municipales, RES111 (extrait).

Du prêt à l’hôtel


juin 2022

Aujourd’hui cette expression évoquerait immanquablement le surendettement provoqué par l’abus des prêts à la consommation, la perte de sa maison, et la précarité de la vie à l’hôtel. Au filtre de la Renaissance toulousaine, le sens peut être tout différent : les liquidités accumulées par de riches marchands, une fortune que l’on peut multiplier en accordant des prêts à intérêt, et l’acquisition de riches demeures au centre de notre cité. C’est ainsi que Jean de Bernuy put faire construire au début du 16e siècle l’hôtel particulier qui porte son nom, devenu par la suite collège des Jésuites et aujourd’hui lycée Pierre-de-Fermat. L’argent qu’il avait gagné grâce au commerce du pastel lui avait permis d’assumer la caution de la rançon de François Ier en 1525 et plus tard, en 1539, d’être l’un des principaux contributeurs d’un important prêt « consenti » par les Toulousains au roi de France.
L’image ci-contre représente la partie supérieure de la porte d’entrée de son hôtel que l’on peut encore admirer dans la rue Gambetta, telle qu’elle a été publiée en 1842. Si l’on est prêt à y regarder de plus près, la comparaison avec une illustration donnée par l’archéologue Alexandre Du Mège, dans les Mémoires de la Société archéologique du Midi de la France édités en 1837, montre des évolutions révélatrices de quelques restaurations.
Tout d’abord le médaillon central contient un mascaron d’Apollon alors qu’il montrait auparavant un monogramme du Christ. Au-dessus, le bandeau tenu par un ange porte manifestement une inscription alors que Du Mège semblait indiquer que celle-ci avait disparu. Actuellement on y lit très clairement la devise gravée SI DEVS PRO NOBIS, Si Dieu est avec nous, or cette sentence orne une autre porte de l’hôtel située dans une cour d’où on l’a manifestement prise comme modèle vers 1840. Enfin, les deux médaillons supérieurs portent des bustes alors que Du Mège les avait vus vides. Très bizarrement ces deux bustes dessinés ressemblent « presque » à ceux que l’on peut voir aujourd’hui : il faut néanmoins les intervertir et, de plus, retourner leur image en miroir pour enfin les faire correspondre à la réalité. L’humour est dans l’à-peu-près…