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Haches dans l'axe

Pyrénées. Groupe d'hommes autour d'un cabanon. 1910-1920. Ludovic Gaurier – Mairie de Toulouse, Archives municipales, 67Fi158.

Haches dans l'axe


novembre 2021
Ludovic Gaurier fut abbé. Il fut aussi photographe, poète, aquarelliste et pyrénéiste. Ses photographies sont souvent fascinantes, au point que, en découvrant celle-ci, notre billet a complètement changé d'orientation par rapport à l'idée de départ.
Cinq hommes posent en habits de travail devant un cabanon et des outils, dans un paysage montagneux non identifié précisément, pendant les années 1910. Pas de quoi hacher un chat (fouetter, hacher, quelle différence). Mais regardons de plus près les éléments de cette image construite sur un axe parallèle à la plaque de verre. Faites-vous plaisir, vous pouvez zoomer avec la molette.
La composition en strates superposées (le sol au premier plan, la rangée d'ouvriers aux bérets alignés et la crête de la butte) relègue les hommes dans une bande d'image scandée d'un mélange d'outils, de corps, de jambes, de bras et de perches comme autant de mâts hérissés devant un abri de fortune dissimulé sous des mottes d'herbes sèches. Avez-vous vu comme ils se ressemblent ? Appuyés sur un manche de hache ou de masse, et poing sur la hanche, ou bien assis main sur le genou, moustache discrète ou charnue, ils nous feraient parier sur un assemblage de pères, oncles, frères et fils. En sabots ou souliers cloutés, en habits rapiécés, gilets de velours troués, arborant un fusil ou les mains dans les poches, ils posent. Que font-ils ? Dans quelle tâche l'abbé Gaurier les a-t-il interrompus, le temps de se glisser sous la toile noire de sa chambre photographique et de figer quelques centièmes de seconde de vie sur le verre de sa plaque ? Si je n'avais pas une tonne de travail en train de me regarder d'un air louche sur le coin de mon bureau, je resterais bien à les observer comme ils m'observent depuis l'autre bout du siècle passé.