Tant pis pour les prédictions de nos ancêtres les Gaulois : le ciel ne nous est finalement jamais tombé sur la tête – pour le moment. Depuis cette formidable météorite qui aurait éradiqué les dinosaures, depuis l'Esprit-Saint venu des hauteurs célestes et, plus tard encore, lorsque Cyrano prétendit avoir chuté « comme une bombe » depuis la Lune, les êtres et objets tombés et venus du ciel ne manquent pas.
Ils donnent lieu à toutes les interprétations possibles de la part de ceux qui veulent y trouver un sens, ou des plus grands dols envers ceux qui en subissent les conséquences directes.
Tenez, pas plus tard qu'en 1728, rue de la Maison Professe, Jeanne-Marie Dupuy est frappée de plein fouet par la chute d'un objet non identifié qui la terrasse presque et la renverse au sol. Tout compte fait, l'objet est vite identifié : il ne s'agit que d'un chien dont on a cherché à se débarrasser en le projetant depuis l'étage d'une maison voisine. Jeanne-Marie en est quitte pour une clavicule cassée – quant au sort du malheureux chien volant, personne n'en souffle mot. En revanche, nous sommes certains du devenir de celui de la petite chienne caniche noire de Bertrand Barbelane. De nombreux témoins l'ont vue projetée « en l'air […], laquelle tomba dans la rue et s'écraza ». Les habitants du quartier du Salin ont bien vu la nommée Jeanneton lancer la bête depuis le troisième étage, mais rien n'y fait, elle aura le culot de tout nier lors de son interrogatoire.
Avec de tels exemples, la tentation est grande de voir une origine toulousaine à l'expression anglaise It is raining cats and dogs...
Les voies du ciel sont décidément impénétrables. Il est indéniable que, dans sa grande malice, l'esprit céleste peut faire tomber les objets les plus divers : un cruchon, un mascot1, une balle de foin, des fagots de sarments, une armoire et même quatre citrouilles ont été aperçus venant des astres (ou des étages) dans Toulouse au 18e siècle.
À l'évidence, ce qui tombe du ciel peut aussi tuer. Marie Mouchan venue en ville depuis Aussonne est la dernière victime recensée2. Elle en a la tête en compote, « écrazée dans une comporte » et l'on met en cause cette pièce de bois « d'environ cinq pans de long sur environ un pam d'épaisseur » tombée du haut de la maison du traiteur Champaigne. Comme elle, c'est au quartier des Changes qu'Antoinette Dalet est victime de la chute d'un mortel chevron qui lui brise le crâne en 1777. Notons encore cet enfant aplati en 1785 par une fatale chute de bois à Tounis.
Quant à ceux qui font le grand saut eux-mêmes, volontairement ou pas, citons Elizabeth qui tombe à la renverse en 1727 et Jeanne qui s'envoie en l'air une dernière fois en 1731 de façon inexplicable puisqu'un témoin la voit un instant auparavant, « quy se chassoit les pusses au galetas de la maison ». Le cas d'Étienne Sabin est un peu différent : c'est probablement dans son sommeil (en se grattant les puces ?) qu'il roule sur la paille et dégringole depuis la rochelle jusqu'au sol de la grange où il avait élu domicile le 30 décembre 1750. Patatras, et l'histoire s'arrête là pour lui.
Alors, nous ne saurions trop vous recommander, avant de jeter votre sapin usagé par la fenêtre (si vous logez dans des étages supérieurs), de regarder s'il n'y a pas un quidam dans la rue et de crier Gare ! au préalable afin qu'il ait le temps de se ranger.
Mieux encore, c'est d'aller déposer votre sapin dans un des 57 points de collecte de la Mairie. Il y en a certainement un, à un jet de pierre de chez vous.
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1 désigne en général un couteau de cuisine, un tranche-lard – et semble n'avoir aucune relation étymologique avec le massicot moderne breveté par Guillaume Massicot (Massiquot) en 1844.
2 dernière en date car la procédure ne mentionnait absolument pas son décès (et ne poursuivait donc que sur un simple cas d'excès), mais nous venons juste de le retrouver dans le registre des sépultures de l'Hôtel-Dieu à la date du 1er octobre 1765.