Arnaud Julia a fait ses premières armes dans le crime en 1703 lorsque, au moyen d'une fourcade (fourche ou bêche), il fracasse le crâne de son voisin, Bertrand Pessan, dit « Cor de Lion ». Mais, à cette période, Arnaud, s'il avait déjà de l'idée, manquait néanmoins de méthode.
En effet, l'idée de cacher le corps de sa victime dans une fosse timidement creusée, recouverte des branchages d'un mûrier émondé à la hâte au beau milieu de son jardin, c'est une erreur qu'il ne refera plus. Les magistrats découvrent le Cor de Lion en un rien de temps. Pensez ! Il y avait même une main qui dépassait.
Arnaud voyant ainsi le pot aux roses découvert décide de quitter la ville en toute hâte, ce qui est fort avisé de sa part, car un procès lui est fait – par contumace, et il est évidemment condamné et pendu par effigie (c'est-à-dire que le bourreau a pendu au gibet un tableau qui le représente).
Arnaud Julia bat donc la campagne ; on dirait maintenant qu'il a pris le maquis. Que fait-il ? Où erre-t-il ? Nous ne le savons pas. Laisse-t-il une trace sanglante partout où il passe ? C'est possible (il est égorgeur de cochons, de son état).
Après avoir passé quelques années au vert, Arnaud a eu le temps de peaufiner sa méthode. Il réapparaît à Toulouse en 1707, frais comme un bouton de rose : il rentre muni de lettres de grâce octroyées par l'évêque d'Orléans. C'est très pratique : ce crime de 1703 est entièrement pardonné. Il retrouve donc femme et enfants, ses couteaux de tueur de cochon et obtient même un petit emploi à l'hôtel de ville.
Mais, en décembre 1709, le goût du sang est visiblement le plus fort : il lui faut tuer à nouveau, c'était dans l'ordre des choses. Et voilà que l'on retrouve sa seconde victime, Raymond Bley, proprement découpée, et les morceaux dans le désordre le plus complet :
- le 30 décembre, la tête avec le crâne enfoncé, l'œil arraché et le bout du nez coupé, est découverte sur le ramier du moulin du Bazacle ;
- le 28 janvier 1710, son tronc est exhumé, il était caché sous des provins de vigne à la Hubiague près des Trois-Cocus ;
- finalement, le 8 février 1710, une chienne de la métairie du Miraillou (le Mirail du quartier Croix-Daurade) rapporte la main droite de la victime.
À ce jour, le puzzle pour reconstituer le corps entier de Raymond Bley n'est toujours pas complet. Et, si durant l'été il vous vient l'idée de planter des choux dans votre jardin ou de creuser un jacuzzi dans votre cave, de grâce procédez délicatement. Vous pourriez tomber sur les restes d'une main (gauche) ou bien gagner le gros lot en exhumant deux jambes complètes.
Las, il sera maintenant difficile de comparer votre macabre découverte avec les premiers restes de Bley : nul ne sait ce qu'est advenu de sa tête (un temps conservée au greffe de l'hôtel de ville dans une solution alcoolisée), ni de sa main droite. Le tronc quant à lui avait été inhumé au cimetière du Taur (maintenant disparu).