Fragment de tuile décorée d’un blason aux armes des Lévis, découvert sur le site d’un ancien château de la seigneurie de Mirepoix, photographies Marc Comelongue, Service de l’Inventaire Patrimonial et de l’Archéologie de Toulouse Métropole.
Toi Lévis ? Toit Lévis !
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juillet-août 2021
Les archéologues abordent souvent le concept de toit par le biais de son mode de couverture. Or, quand celle-ci est composée de matériaux périssables (chaume, bardeaux en bois), elle laisse peu de traces. Le constat est différent sur les sites gallo-romains avec l’emploi de la tuile en terre cuite, la
tegula. Mais celle-ci semble disparaître aux premiers temps médiévaux, et il faut attendre le bas Moyen Âge pour voir son retour sous une nouvelle forme, la tuile canal. Dans notre région, cette évolution technique est synchrone d’une évolution politique, conséquence de la croisade contre les Albigeois. Ainsi, au XIIIe siècle, se créée, sur la bordure méridionale de l’ancien comté de Toulouse maintenant domaine royal, une nouvelle entité : la terre du Maréchal ou seigneurie de Mirepoix. Maréchal parce qu’elle a été donnée à Guy de Lévis, surnommé maréchal de la foi et principal lieutenant du chef de la croisade, Simon de Montfort. Mirepoix parce que ce territoire est composé autour de cette ville par des dizaines de communautés confisquées à des chevaliers occitans qui avaient soutenu les cathares.
Chacun de ces villages possédait à l’origine un château, mais les Lévis, par souci d’économie, ont choisi d’en abandonner une bonne partie pour ne conserver que quelques places fortes essentielles au contrôle de leur fief. Ainsi, on peut savoir en visitant les ruines de ces anciennes forteresses, selon l’absence ou la présence de tuiles, s’il s’agit d’un lieu abandonné au XIIIe siècle à la suite de la croisade, ou d’un site que les Lévis ont entretenu après cette date. La photographie présentée ici montre une tuile découverte sur l’emplacement de l’un de ces châteaux remaniés par les Lévis. On y aperçoit d’ailleurs un écu à trois chevrons, emblème de cette famille. Outre l’impression que ces seigneurs voulaient marquer leur empreinte au point de blasonner une simple tuile, dotant ainsi leurs citadelles non seulement de ponts-levis, mais aussi de toits Lévis, on remarque que les trois chevrons font partie d’une armoirie plus complexe. C’est très probablement le blason d’une branche cadette de la famille et on peut expliquer sa présence par la coutume dite de Paris, importée dans le Midi par les croisés. Contrairement au droit languedocien antérieur, elle favorisait un partage plus équitable du patrimoine familial entre l’aîné et les cadets et ces derniers devenaient ainsi plus facilement propriétaires d’une partie de la seigneurie.
Comme quoi on peut faire de l’histoire politique et de l’histoire du droit avec une simple tuile sur un toit.
A Toulouse, on peut voir cet écu à trois chevrons sur un magnifique sarcophage conservé au musée des Augustins et provenant de l’hôtel Saint-Jean, ancien siège de l’ordre de Malte à Toulouse. Mais on ignore à qui était destiné ce tombeau, et aucun lien n’a pu être sûrement établi avec les Lévis.