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Toi, toi(t) mon roi

Le rétablissement du parlement ; fête de la ville organisée sur la place Royale le 21 mars 1775. Huile sur toile (détail), Moretti, 1775. Mairie de Toulouse, Musée Paul-Dupuy.

Toi, toi(t) mon roi


juillet-août 2021

Qui se souvient encore que nos anciens rois, oints du Seigneur, tutoyaient non seulement le firmament, mais encore que leur rayonnement pouvait illuminer les toits du Capitole ? Un couronnement, une naissance princière, une victoire militaire ou simplement le rétablissement de la santé du monarque, donnaient lieu en effet à de véritables bacchanales lumineuses dont les chroniques passées nous éclairent quelquefois.
Prenons par exemple deux événements assez rapprochés : la « reconvalescence » du jeune Louis XV, début août 1721 (après un vilain virus) et le rétablissement du parlement de Toulouse dans ses droits anciens par Louis XVI, en mars 1775. Pour ces deux occasions, les capitouls s'empressent de célébrer en grande pompe ces « miracles royaux » et, pour cela, n'hésitent pas à faire embraser les toits – et les finances  – du Capitole pour que Toulouse y gagne son titre de « ville de lumière » bien avant celui de « ville rose ».

Clash of illuminations
En août 1721, le toit du Capitole est en partie éventré par le recouvreur Jean Faure afin de pouvoir déposer sur sa façade et ses fenêtres des falots et des chandelles1. Ces illuminations célestes sont accompagnées de réjouissances aériennes et terrestres avec des fusées volantes, de la musique et des feux de joie qui embrasent les cœurs dans chaque foyer : « on ne voyoit que feux alumés et des illuminations extraordinnaires, et dans le public, et dans les maisons des particuliers. On y fit feste pendant trois jours »2.
En mars 1775, la folie des illuminations bascule dans l'outrance. Deux mille lampions et vingt-quatre pots à feu sont commandés le 23 mars3. Cette débauche de lumière est installée par le nommé Vigoû, couvreur de son état, sous le regard bénévolent d'une statue en carton-pâte de Louis XVI. Cette dernière, installée au centre de la place Royale, trône au sommet du théâtre du feu d'artifice et contemple les toits du Capitole. Ce double inanimé du roi singe son modèle qui, rappelons-le, affectionne particulièrement les promenades, perché sur les toits de Versailles.

Belote et rebelote
Mais une fois la fête terminée, les réparations doivent commencer. Comme faire et défaire est toujours travailler, nous retrouvons Jean Faure qui est commissionné cette fois pour réparer les dégradations causées aux toits lors de l'installation des illuminations ; même tarif pour Vigoû en 1775, tant et si bien que ces festivités engendrent des dépenses qui se montent respectivement à plus de 722 livres en 1721 et 6 270 livres en 1775 !
Et, si jamais quelqu'un se penchait sur les dépenses lors des festivités en l'honneur de Louis XIV, verrait-on les toits du Capitole transformés en véritables féeries lumineuses ? Car, si tous les Louis brillent, le Roi Soleil resplendissait indéniablement de mille feux.

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1 Pièces à l'appui des comptes, 1720-1721. CC 2737, pièces n° 51-52. Ce volume contient encore d'autres documents relatifs aux dépenses de la ville à l'occasion des célébrations organisées lors de la convalescence du roi.
2 Chroniques des Annales manuscrites des capitouls pour l'année 1721. BB 283, chr. 392, p. 134.
3 Pièces à l'appui des comptes, 1775-1776. CC 2809, pièce n° 73. Ce volume contient encore d'autres documents relatifs aux dépenses de la ville à l'occasion des nombreuses célébrations organisées lors du rétablissement du parlement.