Arcanes, la lettre


Chaque mois, l'équipe des Archives s'exerce à traiter un sujet à partir de documents d'archives ou de ressources en ligne. Ainsi, des thèmes aussi variés que la mode, la chanson, le cinéma, le feu sont abordés...
La Gabio de Tounis,- Anonyme, XVIIe, 22 x 18 cm, [4]p, Patois de Toulouse, Archives municipales de Toulouse, 5 S 209 (détail)

Pour une rentrée en musique, Arcanes vous emmène faire un petit voyage au pays de la chansonnette.


septembre 2014

Tout le monde sait qu'il y a peu de temps, c'est-à-dire deux ou trois siècles, les chants s'élevaient dans le chœur des églises et retentissaient sur la scène de la salle de spectacle. Donc tout le monde imaginera sans peine les autres lieux où les Toulousains pouvaient également exercer leur organe et faire profiter leurs contemporains de leur justesse dans des mélodies plus profanes ou populaires.
Essayons de traiter là de ces chants, chansonnettes, voire airs que les uns fredonnaient en battant le linge à la rivière, les autres en éclusant un énième uchau de vin au cabaret, d'autres encore en sciant une poutre ou élevant un mur.

Mais voilà, l'imagination a ses limites, et les archives aussi. Où espérer trouver le texte d'une chanson, la mention même qu'on ait chanté ? Les archives publiques sont des archives sérieuses, pleines de documents administratifs. Alors oui on y trouvera de belle pages de comptabilité, des délibérations à foison, encore, mais de chant que nenni.
Pas tout à fait, car il nous reste encore la série FF qui renferme, entre autres, la justice criminelle des capitouls. Là, le lecteur attentif fera des découvertes au hasard d'une audition de témoin, d'un procès verbal d'officier du guet, ou d'interrogatoire de suspect. Petite sélection avant d'inviter à découvrir une chanson de 1700 cachée dans un des articles de ce numéro d'Arcanes.

1780, le nommé Lama (déjà) chante deux ou trois chansons avec des femmes du quartier de Tounis, puis se dit qu'il boirait bien du vin. La suite n'a rien à voir mais on vous le dit quand même : il se bat avec le tavernier et se fait assommer avec « une bouteille de verre anglais ». (FF 824, affaire du 26 septembre).

1780, une femme témoignant dans une affaire de prostitution, tient absolument à raconter ce qu'elle chantait : "quand un pou me chagrine, qu'il trouble mon repos, je le prends par l'échine et lui casse les os". Elle explique au capitoul que c'est là la chanson des Pouilleux, alors que celui-ci aimerait plutôt savoir ce qu'elle a vu ou entendu (FF 824, affaire du 26 septembre).

1735, le 15 août, vers les 10 heures du soir, un témoin se tient près du puits de Pouzonville "chantant une chanson", il doit alors probablement arrêter son chant car il aura été couvert par le flot d'insultes déversé par l'accusé contre le plaignant (FF 779, affaire du 16 août 1735).

1735, un jeune étudiant en médecine regarde les joueurs de billards "en murmurant une chanson" et se fait alors traiter de « fat et de maquereau de plusieurs filles » (FF 779, affaire du 18 novembre 1735)

1755, un homme arrêté pour comportement suspect fait du tapage dans les prisons et dérange ses camarades d'infortune par ses chants continuels de cantiques. Il essaie même de se jeter dans le puits. Alerté, les capitouls entendent le trublion, il leur répond qu'il est « de la famille de la première maison qui a été bâtie à Toulouse », et entonne immédiatement un nouveau cantique. (FF 799, affaire du 20 septembre 1755).

La Toulousaine. Carte illustrée reproduisant un dessin en couleur d'un homme chantant "La Toulousaine". Sous le dessin partition et paroles en occitan du refrain de la Toulousaine. Au dos les paroles en occitan des 4 couplets. Carte postale couleur, 10 x 14 cm ; imprimerie, Barré et Dayez, 1949. Archives municipales de Toulouse, 9 Fi 6849

La Toulousaine, véritable hymne municipal


septembre 2014
S'il est une chanson qui, avant celle de Claude Nougaro, a représenté de manière forte l'identité locale, c'est bien cette « Toulousaine » ou plutôt cette « Toulousaino » en langue d'oc. C'est en 1845 que Louis Deffès (1819-1900) mit en musique ce poème que l'écrivain occitan Lucien Mengaud (1805-1877) avait écrit l'année précédente, mais ce n'est qu'en 1882 que le grand musicien l'offrit à la Ville de Toulouse.
Cet hymne fut chanté pour la première fois sur la scène du théâtre du Capitole le 30 avril 1845, et on en fêta le cinquantenaire en grande pompe au Grand-Rond en 1895. Trois ans plus tard, à l'occasion de la fête des Cadets de Gascogne, Léon Bourgeois, ministre de l'Intérieur, s'exclama après l'exécution de ce morceau : « Il n'est pas au monde une ville qui ait un chant pareil à celui que nous venons d'applaudir ; la Toulousaine est le chant national de Toulouse, connu de toute la France. » De nombreux maires l'entonnèrent par la suite mais cet air n'est pratiquement plus aujourd'hui chanté que dans la cour de l'hôtel du May, chez les Toulousains de Toulouse. Il est également chanté lors de chaque finale du Concours international de chant de Toulouse.
Il a été supplanté depuis 1967 par la belle chanson de Claude Nougaro, « Ô Toulouse », dont le refrain n'est d'ailleurs autre que le premier vers de la Toulousaine : « Ô moun pays! ô moun pays ! ô Toulouso, Toulouso! »...
Carnaval 1987. Mairie de Toulouse, 1987. Photographie, négatif couleur, 2,4 x 3,6 cm. Archives municipales de Toulouse, 15 Fi 4002.

Quand on parle de chanson à Toulouse, Claude Nougaro n'est jamais bien loin...


L'enfant du pays, né dans la ville rose en 1929, nous a quitté il y a déjà 10 ans mais sa musique et ses paroles restent dans toutes les mémoires. Le concert du 14 juillet dernier, sur les berges de Garonne, lui a d'ailleurs rendu hommage avec la participation de plusieurs artistes venus réinterpréter certains de ses plus grands succès.

« Les lumières du Music-Hall », un documentaire réalisé en 1996 par P6 Productions, et diffusé sur France 5 (à l'époque appelée « La Cinquième »), retrace sa vie, comme une biographie imagée. Au travers de photographies, d'images d'archives et d'extraits d'émissions télévisées, nous pouvons ainsi revivre (ou vivre, pour les plus jeunes d'entre nous) son enfance toulousaine, puis ses débuts dans les années 1950 à Paris et enfin ses années au sommet de la scène musicale française. Le documentaire revient aussi sur ses influences (musicales et littéraires) et ses rencontres.

Ce documentaire, coté 21 AV 468, est accessible en consultation sur rendez-vous aux Archives municipales de Toulouse.

Extrait de l'« Audition sur la scellette de Pierre Dulong, dit Pierre Souquet, autremant Vibes dit Lingâ », cahier R. Archives municipales de Toulouse, FF 744.

A trop se casser la voix… on finit bien par avoir la langue percée.


Aux âmes non sensibles, nous proposons de partager les paroles intégrales d'une chanson méconnue chantée dans les prisons de l'hôtel de Ville. Leur interprète est un personnage singulier ; en effet Pierre Souquet-dit-Le-Rouge (autres noms de scène : Pierre Dulong, ou encore Vibes dit Linga), fut condamné à être pendu pour cas de vols multiples. Manque de chance pour lui, les magistrats municipaux sensibles à ses élans musicaux dans les prisons, ajoutèrent à sa peine celle d'avoir la langue percée.
Le 29 juillet 1700, le greffier qui note l'audition, habituellement rompu en cet exercice que de « lisser » certaines paroles ou termes entendus, va cette fois-ci se laisser aller à noter intégralement les paroles de la « chanson extrêmement sale et impie, conçue aux termes qui suivent » :

Bien entendu nous vous laissons le soin d'en faire la transcription vous-même, et suggérons aux meilleurs paléographes d'entre vous de ne pas chantonner cela devant des enfants ni encore devant des… magistrats municipaux, vous pourriez y perdre votre langue.

Extrait de l'« Audition sur la scellette de Pierre Dulong, dit Pierre Souquet, autremant Vibes dit Lingâ », cahier R. Archives municipales de Toulouse, FF 744.

En bas et à droite du plan, vestiges d'une arche et d'une pile hexagonale du pont du Bazacle sur la Garonne, Cadastre de 1680. Archives municipales de Toulouse, CC 130.

Le pont d'Avignon a sa chanson "mès a Tolosa un pont es mai conegut gràcias a una canso"


septembre 2014
Le pont en question est celui du Bazacle, probablement le moins connu de tous ceux qui ont enjambé la Garonne au cours des siècles. La « canso » (en occitan ancien, cançon en occitan moderne) est quant à elle une chanson au sens médiéval du terme, c'est-à-dire un long poème épique écrit en vers, en l'occurrence la Chanson de la Croisade albigeoise. Ce manuscrit conservé à la Bibliothèque nationale (Ms Fr. 25425 ) décrit, en occitan, les événements qui ont ensanglanté le Midi entre 1209 et 1219. Au mois de juin de cette dernière année, Toulouse s'apprête à soutenir un nouveau siège contre l'armée croisée commandée par le prince Louis et...

... Sus lo pont del Bazagle, qu'es faitz novelamens
Son li arquer mirable, que tiron primamens,
Que defendol ribatge e los abeuramens
Que lunha naus no i venga ni negus malvolens


C'est-à-dire

Sur le pont du Bazacle, nouvellement construit,
Sont postés de remarquables archers, tirant serré,
Qui défendent le rivage et les abreuvoirs
Afin qu'aucun bateau ni aucun ennemi n'y vienne


(Chanson de la croisade, éd. Martin-Chabot, t. III, l. 214 v. 100-103 et note 12, p. 316-318)

Voici donc un indice important sur l'édification de ce pont qui peut être complété par deux autres documents : un testament de l'année 1218, conservé aux Archives départementales de la Haute-Garonne, dans lequel un certain Pons Fournier a fait un don pour son entretien, et peut-être une autre mention de la Canso ayant trait au retour à Toulouse du comte Raymond en septembre 1217. Celui-ci en effet, nous dit le poète, intravit Tholosam mense septembris, non ponte, sed vado sub Vadaculo (entra à Toulouse au mois de septembre non par le pont mais par le gué en-dessous du Bazacle).

Encore cité dans une enquête de 1406, il fut certainement définitivement ruiné lors de la grande inondation de 1413. Ce pont du Bazacle se trouvait quelques mètres en aval de l'actuel pont Saint-Pierre comme en témoignèrent longtemps une arche et une pile, seuls vestiges restés visibles jusqu'à 1710 environ au port de Bidou, qui est devenu l'actuelle place Saint-Pierre. Les plans et le cadastre de la ville du 17e siècle en ont fort heureusement gardé la trace.
4 rue du Canon-d'Arcole, élévation antérieure. Noé-Dufour, Annie, 1996 (c) inventaire général Région Midi-Pyrénées, INV14_96310927ZA
4 rue du Canon-d'Arcole, élévation antérieure. Noé-Dufour, Annie, 1996 (c) inventaire général Région Midi-Pyrénées, INV1496310927ZA.

Sur un air de tango La maison de Carlos Gardel


septembre 2014

Quand on entend le mot tango, on pense tout de suite à l'Argentine, aux bals populaires de Buenos Aires ou de Montevideo... Pourtant Toulouse est un lieu de pèlerinage pour les amoureux de tango du monde entier.

Au n° 4 de la rue du Canon-d'Arcole, à proximité du boulevard Lascrosses, se trouve un immeuble qui dresse sa façade de brique en partie enduite face au complexe immobilier des années 1980 de la ZAC de Compans. Une plaque de marbre à droite de l'entrée rappelle le souvenir du célèbre chanteur de tango, Carlos Gardel, qui y aurait passé ses premières années avant de s'envoler vers l'Argentine avec sa mère et connaître une gloire internationale dans les années 1920.

Édifié dans la seconde moitié du 19e siècle, cet immeuble est caractéristique de l'architecture des faubourgs toulousains qui se développent à ce moment là : une élévation symétrique à cinq travées, sur deux étages, et un comble à surcroît couronné d'une frise d'antéfixe en terre cuite. La travée centrale accueille la porte d'entrée, mise en valeur par un balconnet aux étages. Au-delà des polémiques et des revendications sur le lieu de naissance du chanteur, cet édifice, représentatif de l'architecture toulousaine de la fin du 19e siècle, est aujourd'hui un lieu de mémoire et protégé pour ces deux raisons dans le plan local d'Urbanisme.

Pour en savoir plus Urban-Hist

(si le lien ne fonctionne pas, aller dans http://www.urban-hist.toulouse.fr et renseigner "Carlos" dans la barre recherche, le premier résultat est le bon).

Panorama 360 depuis le 6e étage des Galeries Lafayette

Chem-Cheminée, Chem-Cheminée, Chem-chem chéri...


Il n'est pas nécessaire d'être ramoneur à Londres pour être heureux sur les toits... la chansonnette pourrait être
« J'aime bien quand je monte là-haut
Parce que c'est entre les pavés et les nuages que l'on domine ce monde
Quand on est à mi-chemin du jour et de la nuit
À l'heure où chaque chose baigne dans la demi-clarté
Sur les hauts toits de Toulouse, oh, quelle beauté ! »

Ainsi donc, à Toulouse, nul besoin de magie et de Mary Poppins... il existe un endroit merveilleux où la ville s'offre à nous : la terrasse du 6e étage du bâtiment des Galeries Lafayette. Toulouse, ville exceptionnelle où les époques s'entremêlent, s'enchevêtrent, est riche de cette abondance d'histoires et de ce mélange des siècles... Eloignez-vous des pavés, prenez un peu de hauteur et laissez vous conter Toulouse...

A l'occasion de l'exposition « Panoramic » proposée par le groupe Galeries Lafayette et retraçant l'histoire des grands magasins à Toulouse depuis 1875, la ville de Toulouse et la région Midi-Pyrénées vous proposent un panorama en 360° accessible via un navigateur web, sur tablette, smartphone ou PC, où vous pourrez découvrir les édifices remarquables s'élançant dans le ciel toulousain.
Depuis trois points de vue, terrasse nord, terrasse sud et terrasse restaurant, l'application permet d'identifier les monuments de Toulouse, d'en voir une illustration et d'accéder à des notices synthétiques sur l'histoire de l'édifice, rédigées par notre équipe des chargés de l'inventaire du Patrimoine.

Pour prolonger votre visite, téléchargez vite l'application urban-hist pour Android et iOS... d'autres histoires d'édifices vous attendent !

Guerre 1914-1918. - Jean Dougnac soldat du 81e régiment d'infanterie de ligne : cahier de chansons romantiques illustrées par Jean Dougnac durant son incorporation sous les drapeaux. NB : Jean Dougnac, né à Cazères le 27 mars 1892. Matricule 4099. Incorporé au 81e régiment d'infanterie de ligne, 11 compagnie, 4e section, 15e escouade, 31 division, 61e brigade de Montpellier (Hérault). Archives municipales de Toulouse, 2 Num 6 vue 71.

On connaît la chanson... Et oui même en temps de guerre, on pousse la chansonnette !


septembre 2014

Dans les archives de la Grande Guerre conservées par les familles, on trouve des récits de guerre, de la correspondance, des photos, des dessins... et beaucoup de ces documents nous permettent de partager un peu du quotidien des poilus et de leur famille, de connaître leurs préoccupations, leurs peines, leurs occupations et leurs loisirs. Les chants sont présents dans un certain nombre de cas, au sein des activités militaires comme pendant les moments de détente.


Deux exemples parmi les fonds confiés aux Archives et consultables dans la base de données en ligne :

  • Jean Dougnac, soldat au 81e régiment d'infanterie de ligne a transmis un cahier de chansons illustré, de manière romantique ou grivoise selon les pages. 2 Num 6 à consulter dans registres numérisés ;
  • Maurice Montel, soldat au 5e bataillon du 366e régiment d'infanterie engagé dans la Meuse, a participé à différentes revues du théâtre aux armées, notamment avec Lucien Baroux comédien professionnel. Dans le fonds 74 Fi confié par la famille Lebely, quelques belles photos montrent des militaires répétant à proximité du front.
A écouter en ligne

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