L'image du moi(s)


Chaque mois, petit billet d'humeur et d'humour à partir d'images conservées aux Archives. Forcément décalé !

Image du moi(s) - année 2013


Yvon Robert et Lou Brouillard assis à une table de café place Wilson, 2 février 1939, image numérique d'après négatif N&B, photographie Germaine Chaumel, 6 x 6 cm, © Chaumel/Martinez

février 2013


Le « Lou » et le lion
Cela ressemble à une fable, pourtant en ce jeudi 2 février 1939 les Toulousains étaient venus nombreux pour voir le « Lou » et le Lion autour de la même table à la terrasse d'un café place Wilson. A ma gauche Yvon « Le Lion » Robert, 1,83 m, 110 kg, triple champion du monde de catch catégorie poids lourds, né à Laval (Québec) le 8 octobre 1914. A ma droite Lucien Pierre dit « Lou » Brouillard, 1,70 m, 69 kg, double champion du monde de boxe catégories poids welters et poids moyens, né à Saint-Eurgène (Québec) le 23 mai 1911. La rencontre entre les deux hommes était on ne peut plus amicale, car Yvon accompagnait son compatriote et ami Lou à la capitale où ce dernier allait affronter les boxeurs Edouard Tenet et Anton Christoforidis les 17 mars et 5 avril au Palais des Sports de Paris. Les combats se soldèrent par un nul et une défaite pour le champion canadien. Le cliché ci-contre est visible dans l'exposition "Germaine Chaumel, profession photographe" qui se tient jusqu'au 24 février prochain à l'espace EDF Bazacle.
Vendanges au domaine de Candie, 31 octobre 1979, images numérique d'après négatif couleur, atelier municipal de photographie, 4,5 x 6 cm, 15 Fi 702/7

mars 2013


Au pays de Candie
Imaginez un pays merveilleux où pousse un raisin gorgé de soleil. Imaginez les chants joyeux des vendangeurs qui le récoltent. Imaginez des caves médiévales où s'entassent des fûts de vin aux arômes subtils. Imaginez un breuvage si fin que l'on vient du monde entier pour y goûter. Imaginez un château perdu au milieu des vignes régnant sur l'œnologie mondiale. Imaginez un prince-châtelain qui s'habillerait en kilt et jouerait de la cornemuse pour passer le temps. Imaginez qu'il descende parfois de ses collines pour retrouver une jeune fille blonde et son raton-laveur apprivoisé. Imaginez... A trop imaginer le retour au réel s'avère souvent abrupt, surtout lorsqu'il est coincé entre un terrain de moto-cross et une zone industrielle ; mais qu'importe le domaine de Candie fabrique du rêve en bouteille. Racheté par la ville de Toulouse en 1976, y compris le château du 13e siècle, il est aujourd'hui exploité en régie directe, ce qui explique que l'on trouve fréquemment sur les tables municipales cet élixir à consommer, bien sûr, avec modération.
Le Déraillement de Toulouse, 5 avril 1891, Henri Meyer (dessin) d'après Massip (photographie), Navellier (gravure). Estampe, 12 x 23 cm, Extrait de Le Journal illustré, 19 avril 1891. 45 Fi 335.
Le Déraillement de Toulouse, 5 avril 1891, Henri Meyer (dessin) d'après Massip (photographie), Navellier (gravure). Estampe, 12 x 23 cm, Extrait de Le Journal illustré, 19 avril 1891. Archives municipales de Toulouse, 45 Fi 335.

avril 2013


Toulouse déraille
En ce mois d'avril où la Ville Rose va célébrer le carnaval, l'air sera probablement saturé de positivité, de cotillons, de ska-festif et autres fanfares exténuantes. Pour éviter de trop sombrer dans la bonne humeur rappelons-nous que le mois d'avril 1891 fut le théâtre d'un autre dérèglement beaucoup plus ferroviaire. Dans la soirée du 4, vers 20 h 20, le train direct 35 en provenance de Paris déraille au niveau du chemin de Lapujade. Emportée par sa vitesse, la locomotive franchit la voie du côté droit et bascule en bas du talus où elle fait un tonneau spectaculaire. Le tender qui la suit est entièrement pulvérisé. Quatre blessés, dont un grave, sont à déplorer. Les passagers, dont certains légèrement contusionnés, sont évacués dans le calme vers la gare Matabiau via des omnibus. Toutefois ce calme est à relativiser, car des gallinacées  qui étaient du voyage ont poussé des cris si intenses au moment de l'accident qu'ils ont été entendus parait-il jusqu'à Croix-Daurade. Plusieurs de leurs cages s'étant brisées sous le choc, elles se sont dispersées de part et d'autres de la voie et les employés ont été contraint de leur donner la chasse. On peut regretter que le photographe Massip venu faire un reportage sur place n'ait pas immortalisé la scène. Cette images est présentée dans l'ouvrage Toulouse, archives remarquables.
Etiquette publicitaire pour les biscuits Perlette, années 1920, imprimerie spéciale La Perlette SMIC, lithographie, 30 x 31 cm, 45 Fi 843.

Juin 2013


To loose, esthétique de l'échec

Juin, mois des paradoxes, voit célébrer les fêtes de la musique et du cinéma et, simultanément, se tenir les épreuves du baccalauréat. Il est vrai que les ados sont sûrement les seuls à pouvoir écouter avec passion des reprises approximatives de Deep Purple entre un dj autiste et un groupe de bandas éméché ou à vouloir faire 2 heures de queue et s'entasser dans une salle de cinéma pour regarder un film qu'ils n'ont pas choisi parce que les autres séances étaient complètes. On voudrait leur faire rater leur bac, on ne s'y prendrait pas autrement. Mais, paradoxe toujours, les parents n'ont que la réussite à la bouche, quand ce ne sont pas les médias qui, après s'être flagellés sur le thème de la crise, s'extasient sur le succès d'entreprises locales. Pourtant, il y a une poésie de l'échec.

Prenez par exemple les biscuits Perlette. Ils avaient tout pour réussir... ou presque. Un nom original, mais pas très heureux. Un visuel dont on se souvient, mais pas très beau. Une stratégie commerciale à l'américaine avec coupons de réduction, un peu pénible. Un cycle de production court où tous les ingrédients provenaient des environs de Saint-Gaudens, mais est-ce vraiment un atout ? Et pour finir un slogan qui claque : « Faites comme Bibi ». Effectivement, comme le chantait Bibi, les ventes commencèrent « Tout doucement » et, ce qui est plus problématique, continuèrent sur le même rythme au point de faire péricliter la société. C'est triste, mais c'est beau.

Fanfare de l'école des Beaux-Arts de Paris lors de l'élection de la "Belle Gaillarde" à Noé (Haute-Garonne), 9 juillet 1961, André CROS, négatif N&B, 6 x 6 cm, 53 Fi 2362

Juillet 2013


Vivent les festivaux !

A l'instar des moustiques, le mois de juillet voit pulluler les festivals dans les villes et villages de France ; à tel point que l'on se demande s'il existe encore des communes qui n'en organisent pas ? Il semble bien qu'une poignée d'irréductibles résiste toujours au festivalisme. Mettez-vous à la place des municipalités désireuses d'organiser des rencontres de Connaux (Gard) ou un festival de Saligos (Hautes-Pyrénées), on peut comprendre leurs doutes quant à l'afflux du public, d'ailleurs s'il en venait ce serait presque pire. Notons au passage la grande inégalité entre villes eu égard à leur nom. Si j'organise le festival de Bèze (Côte-d'Or) j'aurais forcément plus de succès que pour le festival de Chilleurs-aux-Bois (Loiret). C'est tellement injuste !

Dans la région toulousaine, les fêtes et manifestations populaires de l'été sont nombreuses. Il en est une que l'on a un peu oubliée aujourd'hui qui avait été initiée en 1960 par le chansonnier et couturier Jacques Esterel et Jean-Baptiste Doumeng, le maire de Noé surnommé le « milliardaire rouge ». « La belle Gaillarde » prenant le prétexte d'une élection de miss donnait lieu à trois jours de festivités et de concerts dans les rues du village. On peut voir sur ce cliché la fanfare des Beaux-Arts de Paris, lors de l'édition de 1961, année où l'invité d'honneur était le réalisateur Jacques Tati.

Carte publicitaire pour le spectacle "Le record du monde sous l'eau" par les Ondines, 1907, Krews, L. (dessin), A. Thiriat et Cie (imprimeur), Toulouse, lithographie, 8,8 x 13,8 cm, 14 Fi 590 (verso)

aout 2013


Ce soir, ondines à Toulouse

Une légende urbaine veut que la ville au mois d'août soit particulièrement agréable à vivre. Outre le beau temps, il y aurait peu ou pas de circulation, les autochtones y seraient plus aimables, bref, il y régnerait une atmosphère légère, d'été en pente douce, qui vous rendrait plus heureux. C'est en tout cas ce que disent les gens qui partent généralement en vacances au mois d'août. Pour les autres, ceux qui restent, cela ne va pas forcément de soi. D'abord, il fait très chaud, ensuite les fameux travaux d'été rendent la circulation aussi difficile qu'en temps normal, l'amabilité des gens reste relative, c'est surtout qu'ils sont tous partis. Heureusement il y a Toulouse plages qui donne un air de vacances à la ville rose. On s'en baignerait presque dans la Garonne ! 


Une chose est sûre, les Toulousains du début du siècle ne s'en privaient pas, que ce soit à la prairie des Filtres ou dans les piscines installées le long du quai de Tounis. Peut-être essayaient-ils de reproduire les figures aperçues dans le spectacle « Le record du monde sous l'eau » donné par les plongeuses anglaises « Les Ondines » sous la houlette du professeur Harry, à la foire de Toulouse en mai 1918. A l'époque, le journal L'Express du Midi, avait fait cette recommandation à ses lecteurs : « Allez voir les Ondines à la foire. C'est très moral. » Comme campagne publicitaire on a vu mieux... 

Vue d'arbres élagués par la société des Pépinières de la Flambelle quai Lucien-Lombard, 21 Janvier 1964, André Cros, négatif N&B, 6 x 6 cm, 53 Fi 4683.

septembre 2013


Septembre noir
Il est des mois maudits. Il est des mois que l'on redoute. Il est des mois qui, se profilant à l'horizon, distillent une sourde angoisse. Tel est septembre et son cortège lugubre d'écoliers. Ce mois est tellement déprimant qu'on aurait envie d'y concentrer tous les événements récurrents fatidiques de l'année pour en être débarrassé un fois pour toute. On y mettrait pêle-mêle : la rentrée (bien sûr), le début de l'hiver, le jour de l'an, la fête de la musique, la Toussaint, le jour le plus court de l'année, les jours fériés qui tombent un dimanche, le carnaval, etc. On appellerait ça l'hiver de septembre. Ce serait dur, certes, mais la vie c'est pas facile tous les jours. Pour se mettre dans l'ambiance une photographie hivernale des arbres du quai Lucien-Lombard après élagage.
Etiquette pour un calvados vieux de la distillerie Benoît-Serres à Toulouse, représentant une branche de pommier avec ses fruits et en médaillon un profil en buste d'une normande en habit traditionnel, début 20e siècle, Jouneau-Bourdillat, Paris, chromolithographie, 9 x 12 cm, 14 Fi 107.

octobre 2013


Octobre, avec modération

Quand sur la grande allée 
S'envolent les fantômes 
Des chaudes nuits d'été 
Et annoncent l'automne.
Quand du haut des pommiers 
Roulent les rouges pommes 
Jusque dans ton panier 
Et jusque dans mon cœur.
Réjouis toi ma mie 
Car notre amour éclot 
Comme le champignon 
Du haut de sa fenêtre 
Éclaire l'avenir 
De ses yeux d'obsidienne 
Perçant les pâles brumes 
De nos amours défuntes 
Et l'énigme du sphinx 
Demeure sans réponse 
Tel un cri silencieux 
Jeté dans les eaux sombres 
Et troubles de tes yeux 
Où malgré moi je sombre parce que je nage mal.

C'est pénible le mois d'octobre, la poésie est partout. Dès que le vent se lève on se sent Saint-John Perse, à regarder les chats on se « baudelairise », on marche par les chemins d'un pas « victorhuguesque » et quand tombe la nuit…on va se coucher parce que c'est fatiguant tout ça à la fin. Mais parfois au retour, sur les bords de la route, le hasard a semé une âme sœur, un ami et c'est dans un café que l'on boit un vermouth ou bien un calvados. On évoque rêveurs les girondes Normandes qui, aux mêmes saisons, récoltent les beaux fruits dont l'esprit se révèle sur vos lèvres gourmandes, élixir éthéré aux saveurs de bocage. Calvados toulousain présenté à l'image, surréaliste en diable, diablement incongru, comme le cassoulet de Cherbourg ou de Caen. Et pourtant, Benoît Serres, alcooliste de génie, fit naître sur les rives de la belle Garonne, l'hydromel normand des pommiers du Quercy… Bon, je préfère m'arrêter avant de faire rimer solstice avec saucisse. Le mois d'octobre, comme le calvados, à consommer avec modération.

Chasseurs célébrant la Saint-Hubert dans les rues de Toulouse, 3 novembre 1963, André Cros, négatif N&B, 6 x 6 cm, 53 Fi 3146

novembre 2013


Toulousain Saint-Glinglin
Quelle meilleure occasion d'évoquer les saints que le mois de novembre. Ils y sont tous célébrés, certains ont même droit à du rab tel saint Hubert dont la fête tombe le 3 novembre. Les chasseurs aiment à souffler dans des cors, ce jour là, pour honorer la mémoire de leur  bienheureux. La photographie ici présentée réalisée à Toulouse en 1963 en est la preuve. Quant à savoir si ce tintamarre réjouit ledit bienheureux, les plus grands doutes subsistent.

D'autres professions ont leurs saints ou saintes tutélaires. On connaît celle des mineurs : sainte Barbe, qui avec un prénom pareil n'a pas dû avoir une enfance facile ; on connaît moins les saints protecteurs des électriciens, des assureurs ou des chauffeurs de taxi, respectivement sainte Lucie de Syracuse, saint Yves Hélory de Kermartin et saint Fiacre qui avait le don de  guérir les hémorroïdes. Aujourd'hui il serait proctologue, c'est moins cool que saint mais on n'a pas besoin de finir torturé par des sadiques ou dévoré par des lions.

A l'instar des métiers et corporations, chaque ville a son saint, sauf celles qui ont des noms ridicules comme Anus (Yonne). Ainsi, Toulouse a saint Sernin, Paris a sainte Geneviève, Marseille a saint Victor, Saint-Malo a Saint-Maclou (évidemment). Parfois certains d'entre eux nous induisent en erreur, tel saint Eutrope qui au lieu de sévir sur la Côte d'Azur est le saint tutélaire d'Orange ; d'autres ont juste des noms à coucher dehors comme saint Tugdual (protecteur du village homonyme), aussi appelé saint Pabu, ce qui est un comble pour un saint breton.
Amahl, Gaspard et un page, dessin de costume pour « Amahl et les visiteurs de la nuit » représenté au Théâtre du Capitole de Toulouse, 1966, Claude Perrier, gouache sur papier, 65 x 50 cm, 20 Fi 658.

décembre 2013


En décembre, on se fait l'Amahl
Il faut en convenir tout ne va pas pour le mieux ces temps-ci. Comme une réponse à cette sinistrose ambiante, l'humour et le calembour ne se sont jamais si bien portés (cf. le titre de ce texte passablement tordant). Certains tueraient leur mère juste pour faire une blague, d'autres tueraient leur mère juste pour voir ce que ça fait. A leur décharge, il faut dire que les mamans sont parfois exaspérantes. 

La drôlerie involontaire est souvent la meilleure. Le film « l'Exorciste II, l'Hérétique », n'a pas connu le succès pour une raison singulière : le nom du démon terrifiant était particulièrement ridicule. Chaque fois qu'un acteur invoquait « Pazuzu », le public était écroulé de rire. Dans un autre style, en créant un opéra intitulé « Amahl et les visiteurs de la nuit », représenté pour la première fois à New-York la veille de Noël 1951, Gian-Carlo Menotti se doutait-il qu'en France appeler un héros infirme "Amahl" pouvait prêter à sourire. Toutefois lors de sa présentation au Théâtre du Capitole en novembre et décembre 1966, dans une mise en scène de Gérald Van Ham et des décors de Claude Perrier, les spectateurs se sont bien tenus. Il faut croire que l'époque n'était pas à la rigolade.